BIENVENUE SUR LE BLOG DE PAPA GATO

21 novembre 2010

Lever la tête.

Il y a quelques jours, à l'issue d'une intervention, au CREPS de  l'université de Bordeaux, sur le thème de la relation entre norme et création dans la recherche de la performance, un jeune sportif étudiant m'a demandé comment apprendre à improviser durant un 1500 mètres. Explications: il s'entraîne seul,  et le jour de la course, il se retrouve avec d'autres coureurs, un peloton, un rythme, des incidents, qui entravent sa performance individuelle. 
Comment gérer ces nouvelles données, inhérentes à la compétition, sans perdre ses moyens...
Le seul conseil vraiment utile en ces circonstances: lever la tête.
Lorsqu'une course soutenue bat son plein, l'effort à fournir isole: on se concentre sur ses propres difficultés et on cherche des ressources intérieures pour résister. Cette coupure vis à vis de l'extérieur empêche d'adapter sa propre course aux circonstances. 
Aux moments les plus intenses de l'effort personnel, un seul précepte: lever la tête, regarder autour. On trouvera dans cette aération force et ressources. En fait, c'est l'autre qui nous fournit les solutions. J'imagine qu'il est difficile pour un coureur de fond, habitué à un effort très individuel, d'entrer dans cette culture de l'autre et d'arriver à penser que la solution se trouve à l'extérieur de lui. "Cherche ta course en dehors de toi"...
Si l'on veut bien y réfléchir, ce conseil vaut aussi pour la vie en général.
Et pour le torero? Également. Regarder, écouter, adapter, inventer en fonction des conditions du toro et du moment, voilà qui nous éviterait bien des faenas formatées.

14 novembre 2010

Trompe l'oeil

Paco Fillon "El unico" sera, encore une fois, cette saison, l'axe central de la temporada française. Ainsi en a décidé la toute puissante casa Sarkozy. Les rumeurs de la dernière quinzaine accouchent d'un pétard mouillé. Pas de changement dans la continuité, malgré les déclarations de l'empresa et un engouement médiatique en trompe l'oeil. 
Le choix des compléments de cartels ne devrait pas changer grand chose à une saison qui s'annonce à l'identique de la précédente. Tout semble joué avant même la première ouverture des portes du toril.
On peut parier, sans être grand stratège, sur une baisse sensible des abonnements et un désintérêt de l'aficion. 
Jusqu'où devra-t-on descendre 
pour  que marchands et puissants envisagent un changement?

13 novembre 2010

Histoire de pois chiche...

Saint-Vincent de Tyrosse, un soir d'août 74: sous nos yeux, il se fait égorger par un novillo de Don Martin Peñato. Miraculé.
Quelques années plus tard: je lis dans les journaux que, pris par un toro, il est retombé sur la tête. Tenu pour mort pendant 30 secondes, il ressuscite. 
Madrid, 1980, du côté de la Plaza Santa Ana: il me regarde, respectueux et un brin obséquieux, du bas de son mètre soixante et quelques: "Encantado, señor, encantado". Mon copain m'a  présenté comme un journaliste français et le petit torero frétille. On dit qu'il n'a plus toute sa raison.
Depuis, j'ai perdu sa trace.
Où donc "Garbancito", le petit pois chiche, a-t-il roulé? 


10 novembre 2010

Le désert du Bache.

Plus rien ne va, les après-midi se succèdent et égrainent les mêmes hésitations, les mêmes doutes, le même malaise. Ce qui, il y a à peine quelques semaines, était évident, ce qui coulait de source, devient problèmes, difficultés, obstacles. Même le savoir faire se fissure et laisse s'engouffrer un mal-être permanent.
C'est le fameux "bache", redouté par tous les toreros, le passage à vide, qui possède l'affreuse particularité de ne pas savoir quand on en sortira, ni même si on en sortira un jour. Et ne pas quitter le "bache" signifie que l'on va rejoindre le "monton", le tas de ceux que l'on finit par oublier.
Beaucoup de toreros l'ont connu. Nombreux sont ceux qui en sont revenus et légions ceux qui y sont restés. 
Le bache est craint, tel un monstre mythologique, à l'image des trous noirs de l'espace ou des siphons marins.
Comment y tombe-t-on? Par usure physique et morale, par fatigues accumulées, suite à un coup de corne mal digéré, à une suite d'échecs, à cause d'un toro qui vous a fait douter... 
Plus paradoxalement, parfois, le bache est frère du succès. Une temporada triomphale peut vous ouvrir les grilles du bache par crainte de ne plus savoir être à la hauteur, de décevoir. Parce que l'on ne connaît pas les chemins de la réussite, ni par quels mystérieux ingrédients on touche aux sommets. Parce que l'on ignore la recette de son propre succès et que l'on doute de pouvoir le reproduire.
Tout ce qui ne tue pas, enrichit. À la condition de vous en tirer, un séjour dans la solitude torturante du bache vous bonifiera à coup sûr. Comme le bon vin vous mûrirez, alors, à l'abri de la lumière, des regards, dans les ombres de vos méandres.
Ne tirons pas sur les toreros du bache, ceux qui gâchent nos après-midis à coups de petits pas de recul, de désarmés, de petites fuites et d'infimes démissions. Ceux qui nous font regretter qu'ils aient touché ce si bon toro dont ils ne sauront pas profiter. Ne nous irritons pas de leurs bustes exagérément bombés, de leurs reins outrageusement cambrés, de leurs cris de matamores; ce sont les bouées qui les sauvent du naufrage. Et qui leur permettent de ne pas disparaître corps et biens, d'exister encore, encore un peu. De supporter, d'aguanter, non pas le toro, mais le vide laissé par l'aisance disparue, le courage évanoui, l'assurance dissipée.

Et traverser le désert du bache. 
À petits pas reconquis, seconde après seconde, renaître. 
Et se présenter, ressuscité et debout, à la porte des cuadrillas, 
sous le soleil éclatant et les regards enfiévrés, 
 et marcher, d'un pas lent et sûr, 
sur le sable du plus beau paseo du monde.


9 novembre 2010

La poêle et le poêlon


Un des grands maîtres du septième art, Luchino Visconti, à qui on demandait ce qu'il pensait du cinéma de son temps, répondit que tous les cinéastes italiens dont le nom se terminait par "ni" étaient mauvais. Allusion piquante à ses compatriotes, Fellini, Antonioni et autres Pasolini. La réponse ne se fit pas attendre. Dés le lendemain, Fellini commentait: "Si c'est Viscontini qui le dit!"

À méditer par les adhérents à l'U.M.P... 

7 novembre 2010

Le temps des souvenirs (3): La tauromachie au coeur.

Le printemps, déjà chaud, empourpre, de milliers de  coquelicots, la campagne sévillane. Le chemin défoncé et poussiéreux secoue la vaillante deux chevaux Citroën qui, après nous avoir conduit des bords de l'Adour aux rives du Guadalquivir,  nous entraîne, maintenant, à brides abattues - nous sommes en retard - à la finca de Don Carlos Urquijo. 
Hier au soir, à l'issue de la corrida, un bruit a couru dans les couloirs moquettés de l'hôtel Colon, quartier général du mundillo en cette feria d'avril: demain matin, Antonio Jose Galan tiente chez Urquijo. Chaque jour, à l'heure de l'apéritif, les rumeurs vont bon train dans le palace de la calle de Canalejas: adresses de tientas, de novilladas privées, rencontres, vraies et fausses annonces...
Arrivés devant la petite arène de tienta de la casa Urquijo, nous sommes accueillis par deux sbires qui s'informent de savoir qui nous sommes, d'où nous venons et pourquoi. Nous réalisons aussitôt que la tienta est très privée et que nous allons être refoulés. 
Nous mettons, alors, à exécution le plan que nous avons échafaudé entre ornières et nids de poule et déclinons une identité d'emprunt: journalistes français. Un silence surpris et suspicieux s'en suit. Ils appellent le patron. Nous nous réfugions dans une impassibilité teintée d'impatience. Le mayoral arrive, nous toise, hésite, et finit par nous inviter à monter au balcon de la placita de tienta nous recommandant lourdement de ne parler, bouger, réagir sous aucun prétexte.
Nous nous asseyons sur des bancs de fortune. On nous jette des regards froids et interrogatifs. D'évidence, nous ne faisons pas partie du sérail et nous avons tout intérêt à nous faire oublier. 
Quelques mètres plus bas, le maestro Antonio Jose Galan, en jean, sweat-shirt et tennis, est assis parterre. Visiblement fatigué, encore marqué par une blessure récente mal guérie, il a du mal à récupérer de son combat avec la vache précédente. Pourtant, on annonce la suivante et il prend place derrière le burladero. 
De la réception à la cape, des piques, je confesse humblement que je n'ai gardé aucun souvenir si ce n'est le vif plaisir qu'il y a à entrer dans l'intimité de la préparation d'un torero.
Le début de la faena de muleta révéla immédiatement de grandes qualités de bravoure de la bête et permit au torero de se sentir très vite à l'aise, a gusto. Machinalement, à chaque fin de série de passes, son regard balayait l'assistance et il ne tarda pas à y remarquer les seuls visages qu'il ne connaissait pas: les nôtres. 
Il se passa alors un phénomène tout à fait extraordinaire. À partir de cet instant, Antonio Jose Galan toréa pour nous, pour nous séduire. Il enchaîna les séries les yeux tournés vers nous, nous souriant de toutes ses dents. Peu à peu oubliant les consignes, nous ponctuâmes la faena de quelques "olés" bien sentis. Nous n'étions plus dans une placita privée mais à la Maestranza a las cinco de la tarde. Les manoletinas, succédaient aux molinetes debouts et à genoux, aux circulaires et autres dosentinas. 
Nous applaudissions frénétiquement. Et le reste de l'assistance emboîta le pas. Le torero était aux anges, nous aussi. Superbe moment d'enthousiasme partagé autour d'une passion. Il est à parier que s'il y avait eu estocade, elle aurait été sans muleta, spécialité de ce "fou de Galan".
On rentra la vache, Galan épongea son visage en sueur, nous gratifia d'un dernier sourire accompagné d'un salut "muy torero" . Avant de grimper sur sa moto et de filer sur le ruban d'asphalte où la mort l'attendait trente cinq ans plus tard.
Je revis de nombreuse fois Antonio Jose Galan et je garde de lui de beaux souvenirs. Mais aucun n'atteint l'intime intensité de ces quarante minutes de tauromachie privée, ce matin d'avril 1976, dans la gloire du printemps andalou.

Les clameurs ne se sont pas encore tues.

 Une entrée à un match de foot n'est pas donnée. Les cachets de certains joueurs sont exorbitants. Les matchs sont souvent très moyens. Les combines foisonnent. Voir 22 mecs se disputer un morceau de cuir reste un spectacle assez anachronique, en tout cas peu représentatif des progrès de l'humanité. Or, on continue à aller au stade sans état d'âme, pour se divertir et pourquoi pas, se passionner. 
Pour ce qui est des corridas, il en va tout autrement. L'aficionado doute sans cesse de l'objet de sa passion. Face à la médiocrité des spectacles, à la cherté des places, aux magouilles des uns et des autres, il proclame un état de crise quasi permanent. Il décrète le déclin de la tauromachie, annonce sa mort prochaine et pense à déserter les gradins.
On sait bien que les temps sont aux vaches maigres: abolition par-ci, toros médiocres et toreros formatés par-là. Disons-le haut et fort et réclamons des changements indispensables. 
Mais conservons intactes nos illusions. Ce sont elles qui nous mènent. Si, un jour, je les perdais, je renoncerais, en effet, à ma place au soleil du tendido

 Pour l'instant, les clameurs ne se sont pas encore tues.

4 novembre 2010

LUMIÈRE !


Quelle apparence, quelle présence, quelle force, quel allant, 
quel voyage,
quel rythme, quelle profondeur et quel mystère,
quel envol, 
quelles inventions, quelles surprises,
quels soleils,
quels froncements,
quels retraits, quels arrêts, quels risques,
quelles stupeurs et quelles brumes,
quelles impasses,
quelles concessions, quelles tensions, quels excès,
quelles amertumes, quelles fatigues,  
quelles ténèbres
quels réveils,
quelles douceurs et quels accords,
quelles ondulations, quels balancements,
quelles rencontres
quel lendemain,
quelles promesses ?