BIENVENUE SUR LE BLOG DE PAPA GATO

24 août 2011

Défi, ravissement et papier glacé.

 Nous avons retrouvé la plaza de Vista Alegre sous un ciel gris, une chaleur lourde et la lumière artificielle allumée dès le second toro. Bilbao telle qu'en elle-même, où le sable grisâtre de la piste reflète la noirceur des nuages. 
La corrida à laquelle nous avons assisté est, à n'en pas douter, une des meilleures de cet été taurin, toutes catégories confondues.
Pour commencer, grâce en soit rendue aux toros de Nuñez del Cuvillo. Très armés, plutôt joliment charpentés, encastés pour certains, braves et nobles pour d'autres, ils animèrent un jeu engagé, mobile, un fond d'allant et de combativité, à l'exception du premier, faiblard.
Un lot qui offrait ses oreilles à la condition d'aller les chercher.
Ce que s'employèrent à faire les trois toreros engagés, avec des fortunes diverses.
David Mora venait en remplacement de Léandro. Figurer - c'est le cas de le dire - dans un cartel luxueux, à l'occasion d'une des plus grandes ferias espagnoles, face à un bétail mijoté pur sucre, voilà qui lui arrive peu, disons jamais. On le sait habitué aux durs à cuire de la famille toro, les Adolfos, Escolars et autres Douleurs. Son élégance racée y fait merveille et contraste heureusement avec la violence parfois sauvage de ses opposants.
David Mora est un torero que nous apprécions, on le sait. Mais hier - occasion inattendue et unique d'entrer dans le concert des grands - il lui a manqué une dimension: pas le courage, pas la détermination, mais la capacité à défier. Il est resté ce qu'il est: un élégant combattant couillu qui trouve sa dimension dans la bataille musclée (le 6ème) où son élégance naturelle apporte une note inédite.
Comme j'aurais aimé le voir traverser d'un pas tranquille la piste et venir s'agenouiller souriant et défiant pour recevoir a puerta gayola son dernier! Il aurait alors évoqué un Roberto Dominguez dans ces même arènes lors d'une miurada, ou Morante lui-même à Séville... Il est des moments où il faut savoir et pouvoir jeter les dés sur la table et attendre qu'ils s'immobilisent sur le 421 espéré... Et quand on a hérité de l'élégance, attendre comme un empereur des sables, un léger sourire aux lèvres, parier sur l'avenir, assûré de son fait et de sa réussite, la main relâchée et le regard posé. Simulacre? Poudre aux yeux? Que non! Mais plutôt convocation de force, gisement d'énergie. Dire et proclamer hier à Bilbao qui il est et avec qui il faut compter désormais.
Il ne lui suffisait pas de réaliser, au mieux, ce qu'il sait faire (avec toutes les qualités qu'on lui connaît), mais il lui fallait franchir la frontière de l'inédit et se révéler. Oui, nous attendions, hier une révélation... qui n'est pas venue.
David Mora a besoin d'affiner la qualité du rendez-vous qu'il se fixe avec lui-même dans les arènes - figura ou pas figura. Sinon ce qu'il fait restera prometteur, puis inachevé, enfin décevant. Son avenir en dépend.
Il y a les toreros qui essaient de réaliser ce qu'ils pensent qu'on attend d'eux et il y a ceux - rares - qui nous entraînent dans leur pays inconnu, surprenant, bouleversant.
Et alors là, bonjour Morante! Ce qui s'est passé au quatrième toro, sur le coup des 19h20, est absolument inouï! Non, ce ne fut pas un "faenon", ni une "faena-cumbre", ni une faena pour l'Histoire. Nous avons connu des oeuvres plus achevées de Morante, baignant toutes entières dans un abandon mystique de bienheureux ravi. Ce qui s'est passé est, en fait, plus rare encore, plus extraordinaire...
Lorsque Cacareo (celui qui caquète) apparaît, sa démarche flottante et trébuchante, n'est pas sans évoquer celle du festayre en mal d'Alcaselzer. La protestation enfle, le président refuse de changer l'incertain, Morante fait la gueule et entreprend un travail de casse, ça pique à tort et à travers, même une fois la fin du tercio sonnée. On se dirige vers une exécution en règle et lorsque Morante entame une série de passes de châtiment à ras du sol, vitesse grand V, gagnant vers le centre, l'affaire semble entendue et la bronca bouillonne dans la marmite bilbaïna. Deux coups de torchon confirment le naufrage. 
C'est alors, que nous pénétrons, en une passe sur la droite, dans l'Inédit, l'Inattendu, l'Inouï. Morante, lidiador, en pleine possession de ses moyens physiques et techniques, entame une faena qui, au fil des minutes, va dominer Cacareo, le soumettre (en fait il est costaud, résistant, batailleur; merci, Président, de ne pas nous avoir écouté).
Et Morante va offrir des moments d'une profondeur à donner le frisson. Il invente devant nous - mieux: contre-nous - cet instant superbe de haute, très haute tauromachie. "Il y a des toreros qui nous entraînent dans leur pays"...  Il dira plus tard aux micros de Canal+ : "Le début de la faena a été essentiel. Le toro avait beaucoup de pattes. J'avais besoin de le soumettre pour pouvoir me sentir chez moi". Et en effet, il a amené toro et public "chez lui", il nous a "ravi", au sens d'un rapt, dans ce lieu qui lui appartient et où il nous invite parfois à le suivre.
C'est cela, la tauromachie: un voyage en terre inconnue.
Reste Manzanares. Qui revenait après un arrêt de quelques jours. Quoiqu'il en dise, après course, ce ne fut pas une affaire facile. À la limite parfois d'être débordé par les retours répétés et violents de ses opposants, il fallut attendre la fin de la faena du cinquième, et la charge plus fatiguée du Cuvillo, pour voir des séries plus profondes et moins inquiètes.
La tentation d'une tauromachie de papier glacé qui, apparemment, poursuit toujours J.M.M, s'est imposée hier à Bilbao,  fatigue et mobilité des toros aidant. 
Alors que nous attendions, devant la Puerta Grande, la sortie triomphale de Morante, Manzanares est arrivé, normalement avant lui, pour regagner son véhicule. Vingt fois, trente fois, il fut pris en photo au milieu de groupes de jeunes filles et garçons enflammés, alors que son staff distribuait des photos du torero en civil dans des poses de mannequins à la mode.
Et alors qu'au loin passait, au-dessus des têtes, la silhouette antique de Morante porté en triomphe, je me demandais si, à défaut de "pays", Jose Mari ne voulait pas nous entraîner dans son image. Encore une histoire de papier glacé.
La nuit commençait à tomber.
Retour en France imminent.
Avant de monter dans la voiture pour une heure et demi de tertulia passionnée, juste le temps d'un regard vers elle, miraculeusement lumineuse dans un ciel de suie. Et de chantonner discret,  heureux et nostalgique à la fois: "Vieille lune de Bilbao, que l'amour était beau...". 
Moteur. Départ. Phares. Pluie. Cosas de aficionados...


8 août 2011

Je ne sais pas si vous êtes comme moi.

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, j'en ai marre qu'on me demande mon avis à longueur de journée, sur tout et sur rien,
Je ne sais pas si vous êtes comme moi,  j'en ai marre que mon opinion se résume à une croix dans une case,
Je ne sais pas si vous êtes comme moi,  j'en ai marre des sondages,
Je ne sais pas si vous êtes comme moi,  j'en ai marre des enquêtes,
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, j'en ai marre de cette façon que l'on a de nous donner la parole en nous l'enlevant,

En conséquence de quoi,  j'ai décidé de supprimer l'option "réactions" dans ce blog.
 (les trois petites cases à la fin de l'article à cocher pour donner son avis selon le degré d'adhésion aux propos de l'auteur.)

À ceux qui souhaitent réagir, il reste la possibilité d'écrire un commentaire. Ils seront les bienvenus.



7 août 2011

Être ou ne pas être.

Adhérer à la vie, s'y engager sans réserve, y croire, bâtir un foyer, avoir un bon boulot, faire la fête et l'amour, imaginer avec peine de finir un jour et pourquoi pas croire en Dieu, donner un sens à l'existence, à l'aventure humaine, se sentir solidaire de l'espèce, avoir foi en son avenir, se considérer un maillon utile de la chaîne.


Ne pas "coller" à l'existence, sentir en permanence un espace entre soi et la vie, une distance infranchissable, une blessure qui sécrète un mal de vivre, un vague à l'âme, un sentiment d'étrangeté, un malaise durable duquel naît parfois un état dépressif profond, la mélancolie.


  

Dans le dernier film du réalisateur danois Lars Von Trier, une planète, baptisée précisément Mélancholia, menace de percuter la terre. On y suit les derniers jours de deux soeurs, Justine la mélancolique et Claire l'enthousiaste. La première, naufragée de la vie, voit arriver l'issue sans surprise et avec une certaine résignation, comme si la catastrophe finale était comprise dans le fait même de vivre ou plutôt de ne pas arriver à vivre. Claire, mère d'un enfant prometteur, épouse aimante, vivant entre golf et chevaux, ne peut supporter l'idée même de la fin et se désespère, pleure, cherche à fuir vainement pour échapper à l'inéluctable.
L'ultime image du film montre la victoire cataclysmique de Mélancholia.
Ce film, est intensément dépressif (et non déprimant) parce qu'il sous-entend que la partie est perdue d'avance et que le destin de l'humanité est condamnée à subir les caprices planétaires. Sans rime ni raison.
Mais ce qu'il nous raconte des deux forces qui animent nos vies en une tension irrésolue hisse cette réalisation au rang des grandes réussites. L'adhérence (plus que l'adhésion) heureuse et convaincue à la vie, et la distance douloureuse et paralysante à vivre,
Souvent, ces deux sentiments coexistent à l'intérieur d'une même personne et au gré des évènements l'un ou l'autre prend le dessus, sans générer de grand mal être.
Certains souffrent, pourtant, d'une relation envahissante à cette mélancolie. Parmi eux, nombreux sont ceux qui succombent et coulent, défaits et plombés par la léthargie et l'incapacité à réagir.
Quelques uns, cependant, trouvent un terrain privilégié où reconstruire une capacité à vivre. La blessure reste, mais elle est sublimée dans un acte créateur qui, alors, renvoie à l'humanité un reflet d elle-même. Ils sont souvent de grands artistes, rares. 
Jose Tomas fait partie de ceux-là. Sa tauromachie absolue est à la hauteur de sa mélancolie. Et de la nôtre.
Quand le confort de vivre - pêche au thon, football et amours conjugués - le comblera, qu'il pourra entonner à pleins poumons l'hymne de ceux qui croient aux lendemains - "que c'est beau, c'est beau, la vie"- et qu'il aura, alors, un peu plus que sa vie à perdre sur le sable des arènes, il partira comme il est venu.
Faudra-t-il s'en réjouir?... Pour lui, sûrement.... Mais, pour nous...?


4 août 2011

Jose Mari fait du tourisme.

Il y a à peine une heure, juste avant de quitter Biarritz (il a toréé à Bayonne aujourd'hui) pour le Puerto de Santa Maria, Jose Mari Manzanares a pris une photo. La voici.


Pour être torero, on n'en est pas moins homme.
¡Suerte maestro!

3 août 2011

Freak et fric.

"El regreso de José Tomás a Huelva, minuto a minuto

Publicación: 03/08/2011 (12:51)"

MUNDOTORO
Et c'est reparti! 
La poule aux oeufs d'or va chanter! 
Barnum Médiatique, Feria des Tiroirs-caisses, Au Bonheur des Produits dérivés! 
On oublie la crise, on triomphe de la peur, on s'y croit, on se croit. 
Bonjour la  J.T  thérapie!
Toujours au-dessus du volcan, les paillettes en fusion, J.T brûle sa vie devant nous. Quel crédit lui reste-t-il ?
Nous serons sûrement nombreux à consulter, ce soir, les nouvelles taurines du jour en provenance de Huelva, avec une légère inquiétude aux creux de l'estomac. Surtout les bayonnais qui attendent l'idôle dimanche prochain. Viendra, viendra pas?...
Que l'on ne s'y trompe pas. Jose Tomas a tout notre respect et nous ne jugeons pas la façon terrifique dont il mène son destin. Mais dans la folle instrumentalisation dont il est l'objet, à bien des niveaux, il y a là quelque chose de profondément morbide que nous ne supportons pas.
Et c'est bien pourquoi nous ne serons pas sur les gradins de Lachepaillet dans quatre jours.

2 août 2011

Fontaine, je boirai de ton eau.

Oui, ils étaient pour la plupart faiblards;
Oui, certains s'éteignirent prématurément;
Oui, il y eut parfois de la mansedumbre;
Oui, oui, oui...
Et pourtant, j'ai aimé leur engagement,
leur présence en piste,
leur manière de ne pas lâcher le morceau
autant que leurs forces le leur permettaient,
leur penchant à partir de loin et à répéter,
leur superbe présentation d'athlètes,
leurs cornes parfaites,
leur harmonie.
Ce lot bayonnais n'était pas vraiment bon
et laissait même à désirer.
Mais il eut aussi de réelles qualités 
qui témoignent d'une vraie caste.
Simplement davantage de forces 
et nous aurions eu des souvenirs pour l'hiver.
J'irai revoir les Fuente Ymbro.




1 août 2011

Rêve de torero.

L'alternative lui va bien.
Hier, à Bayonne, devant les toros de Fuente Ymbro, Thomas Dufau m'a impressionné.
Alluré, calme, défiant jusqu'à poser les banderilles lui-même, profond dans des séries droitières notamment, il a témoigné d'une classe et d'une personnalité étonnement affirmées. Le Sud-Ouest tient là un torero qui fait plus que promettre.
Depuis son entrée en piste lors du paseo jusqu'à sa sortie une oreille en main, il a, tout particulièrement, développé un fort imaginaire. Et cela n'est pas rien car les toreros toréent aussi avec leur propre imaginaire de la corrida. C'est à dire la façon dont ils la rêvent et la force avec laquelle ils incarnent ce rêve en piste. Cela va de leur manière de porter le costume, de marcher, de tourner sur eux-mêmes, de s'immobiliser, de regarder, jusqu'à l'engagement du corps dans une série, la profondeur d'une passe en baissant la main, la conduite d'une charge...
Thomas Dufau vit dans l'arène son rêve d'être torero avec une conviction telle qu'il l'impose dans l'évidence. Et il nous y entraîne.  On y croit parce qu'il y croit. Et on oublie ses origines landaises et la sympathie locale qu'elles nous inspirent pour voyager avec lui au pays universel des toreros et des toros.
Évidemment, toute médaille a son revers. Pour Dufau le diable se loge dans la tentation du stéréotype: circulaires inversées, pendule, toreo de proximité à la Castella ou Perera. Celui avec lequel certains sirènes argentées susurrent que l'on coupe les oreilles.
C'était son pêché de novillero. Le passage au toro de quatre ans lui donne une nouvelle dimension qui laisse croire qu'il peut échapper à ses démons et atteindre la belle stature qu'on lui devine.
C'est ce que nous lui souhaitons et que nous espérons car il y a là matière à aller loin.


¡Ojala!