BIENVENUE SUR LE BLOG DE PAPA GATO

28 septembre 2011

Sacrifice.

Partons du principe, qui est le mien, que dans l'arène, on ne torture pas le taureau mais on le sacrifie. La corrida moderne s'inscrivant, ainsi, dans la continuité du sacrifice rituel et ancestral du taureau par les hommes. 
Cette dimension sacrée qui passe par la mort publique d'un animal sacrifié, est-elle devenue ignoble? Ce regard sur la mise à mort, qui se vivait sans culpabilité il y a cinquante ans, est-il devenu insupportable aujourd'hui? A-t-on perdu le sens du sacré, au point que ce sacrifice ne puisse plus s'évaluer aujourd'hui qu'en terme moral? Notre vision de la vie s'est-elle si réduite que nous ne soyons plus que des juges? Avons-nous à ce point peur du mystère, de la part cachée, que nous éblouissions le monde d'une lumière implacable et sans ombre? Rejetons-nous à ce point la symbolique, qu'un bovin qu'on écrit T.O.R.O. soit le même animal que celui qu'on écrit T.A.U.R.E.A.U., sous prétexte qu'ils meurent tous les deux? La mort derrière un paravent est-elle plus acceptable que la mort à découvert? Le crépuscule en prison est-il plus enviable que le coup de feu en plein vol? La mort nous terrifie-t-elle tellement que nous ne la supportions plus qu'emballée, en barquette, transformée en viande de consommation? Est-il plus injuste de voir mourir un toro d'un coup d'épée porté par un matador plutôt que d'assister à l'agonie cancéreuse d'un homme qui a choisi de fumer? Un suicidé est-il moins à plaindre qu'un assassiné? Notre conscience humaine est-elle si funeste que nous devions en concevoir une culpabilité sans fin? Devons-nous passer notre temps de vie à réparer nos torts? Sommes-nous les Zorros de la création?
Alors, merde! Merde à vous, les bien pensants, les culs bénis, les ceux qui savent démêler le bien du mal, le vrai du faux, merde aux élus, aux généreux, aux responsables, merde aux aplatisseurs de bosses et aux combleurs de creux, aux évidents, aux propres sur eux, aux guides, aux éclaireurs, aux réalistes, aux non contradictoires, aux détenteurs de la vérité aux donneurs de leçons...
Oui, je vais voir mourir les toros le dimanche et je n'en conçois aucune culpabilité. Oui, j'aime les toros, leur beauté, leur combativité, leur danger et pourtant je vais assister à leurs sacrifices. Oui, l'arène, lieu rituel et sacré de la mise à mort, est en même temps le creuset qui m'apprend la vie. Oui, je regarde une corrida comme un miroir. Et je relis Michel Leiris qui m'a révélé le mystère que je percevais mais que je ne savais pas voir et dire. Oui, je suis religieux et je serai religieux ou je ne serai pas. Sans bondieuseries, mais dans le vif du sacré qui fait que chaque fois que l'on entre dans une arène on pénètre au centre du monde. Religieux parce que la tauromachie me met en présence d'un invisible qui donne du sens à ma vie, à la vie.



Tarifs (1)

Cela ne fait pas l'ombre d'un doute: les jeunes doivent retrouver le chemin des arènes.
Et, pour ce faire, la condition essentielle est de leur faciliter l'accès aux gradins en baissant le prix des places.
Prenons le risque d'être un peu précis:
Pour les mineurs: gratuit. Orthez a raison, c'est un placement sur l'avenir.
Pour les 18/25 ans: entre 10 et 15 euros pour une course isolée. Pour un abonnement à trois courses : entre 25 et 35 euros.
Il serait bon également de leur proposer, ouverte aux jeunes et à tous ceux qui le désirent, une sensibilisation à partir de la projection d'un film ("La corrida de taureaux" de Braumberger par exemple ou une réalisation plus moderne si l'on veut, style Canal+) suivie d'une rencontre où leur seraient exposées les bases du toreo (l'oeil contraire, se croiser, baisser la main, le temple) et du comportement du toro (la bravoure, la noblesse, le genio). À charge d'un club taurin, par exemple, qui saurait rendre cette initiation attrayante et vivante.
(à suivre...)

25 septembre 2011

Qu'est-ce qu'on peut faire? (2)

La grande difficulté à réagir qu'éprouvent les aficionados devant les menaces qui pèsent sur l'existence même de la tauromachie, peut se résumer, me semble-t-il,  en quelques interrogations.
  • Y-a-t-il vraiment péril en la demeure? Doit-on prendre la menace au sérieux? Bien sûr, Barcelone ferme, bien sûr les antis multiplient les attaques, bien sûr les organisateurs s'inquiètent des déficits, mais n'-y-a-il pas quelque paranoïa à croire la corrida réellement en danger de disparition?
Il n'y a aucun doute, la menace est claire et se traduit par des actes précis qui ne sont pas le fait, uniquement, de groupes associatifs anti-taurins, minoritaires et folkloriques. Force est de constater la prise de position d'hommes et de femmes en charge de responsabilités publiques - élus - qui ont déjà décidé d'abolir la corrida sur leur territoire (Catalogne) ou qui ont déclaré vouloir le faire (Saint-Sebastien). D'autres, de l'autre côté de l'Atlantique, y songent. Et, en France, les envies frissonnent, de ci de là, d'interdire l'entrée des arènes aux mineurs... 
Le président de l'Observatoire, André Viard, est un des mieux renseignés sur ce point et la consultation de son site "Terres taurines" est édifiante à ce propos. Cependant, nous vous conseillons de prendre vos distances avec certaines de ses analyses ou prises de position, imbibées, volontairement ou non c'est son affaire, d'une idéologie inquiétante. Mais les faits sont là, il les connait et les fait connaître.
  • Les anti-taurins représentent-ils un véritable danger?
Les militants anti corrida ne sont pas très nombreux. Mais leur zone d'influence est considérable. Nombre de personnalités abondent dans leur sens et apposent leur signatures au bas de leurs pétitions. Surtout en des temps où la protection de la planète et le sentiment écologique font recette et où le "penser correct" se répand comme une sauce unique et permanente, nappage incontournable de nos rapports soiciétaux.
D'autre part, l'idéologie de ce mouvement, qui place l'animal tout en haut de l'échelle des valeurs du vivant, peut séduire une certaine partie de la population qui a de plus en plus de mal à supporter et à aimer les humains. On retrouve cette haine apeurée de notre espèce dans les déclarations xénophobes de leur égérie Brigitte Bardot dont on connait, parce qu'elle l'a écrit, sa détestation du genre humain, jusque dans les envies de tortures, fantasmées par les tenants de la loi du talion "ils martyrisent les toros, martyrisons-les" (en gros les défenseurs de la peine de mort), en passant par la célèbre citation, largement répandue, "Plus je connais les hommes, plus j'aime mon chien" (à laquelle l'humoriste clairvoyant Pierre Desproges ajoutait "Plus je connais les femmes moins j'aime ma chienne").
Les temps sont aux santés morales chancelantes qui pour se refaire une beauté ont besoin de boucs émissaires. La tauromachie, qui possède peu d'arguments moraux, est une victime sans grande défense toute désignée.
Dans la mesure où ils focalisent sur leur lutte contre la corrida un état d'esprit qui flotte dans l'air du temps, oui, les anti-taurins sont dangereux. Pour la corrida. Et pour l'air du temps. Qu'ils contribuent à polluer par une idéologie qui ne dit pas toujours son nom mais qui fait son chemin.
  • La corrida, dans l'état de décadence où elle se trouve actuellement, mérite-t-elle d'être défendue?
    Vraie question. Le négoce taurin a créé un toro pour vedettes, faible, complaisant, sans saveur qui transforme de nombreux spectacles en démonstration de mode torera insupportable. Quand aux animaux estampillés "toros durs", ils font partie d'une sorte de réserve compensatoire qui ne parvient pas à rééquilibrer la balance et à relancer durablement l'intérêt. D'autant que les toreros qui les affrontent ne sont pas les vedettes mais des seconds plans contraints à ces combats incertains (ce n'est ni méprisable ni dévalorisant que de le constater). 
    Les toreros têtes d'affiches, en effet, mènent la danse et conditionnent (comme un emballage conditionné) la tauromachie d'aujourd'hui. Les fameuses "figuras" (une petite dizaine) imposent les toros qu'ils veulent, pèsent sur la composition des cartels, refusant telle ou telle confrontation. Autrement dit, "Risquer moins pour gagner plus" est leur devise.
    La multiplication des écoles taurines a une influence déterminante sur la qualité contestable du toreo pratiqué aujourd'hui. D'un côté, il est certain que les jeunes toreros d'aujourd'hui en savent davantage que leurs homologues des années 60, 70, par exemple, et qu'ils se débrouillent mieux devant le toro, généralement. Le niveau du savoir faire basique a progressé. Et pourtant, la grande majorité de ces nouveaux arrivants nous ennuie parce que tous se glissent ou tentent de se glisser dans un même moule. Que leur professeurs et entourage, j'imagine, leur vantent comme garant du succès. Le toreo stéréotypé pollue les arènes et beaucoup de faenas sont des livres déjà lus.
    Ajoutons à cela un prix des places exagérément élevé, les organisateurs subissant le dictat des vedettes, et l'on peut, très légitimement, envisager de mettre un frein à sa passion...
    Et cependant, ne pas défendre la corrida me semble aussi inconcevable que ne pas défendre sa vie.
    J'entends souvent, les amateurs déclarer: "La corrida est en déclin, nous allons vers sa disparition". Je ne crois pas à cette vision catastrophiste. Elle vit un moment difficile mais j'aurais tendance à penser qu'il s'agit d'une crise. De plus. Au cours d'un demi-siècle d'aficion, j'en ai connu plusieurs. Durant la décade des années 60, pour ne citer qu'un exemple particulièrement éloquent, les années des Camino, Viti, Puerta, Ordoñez, Giron, Ostos et autres gloires, la routine s'abattaient régulièrement sur les arènes et l'arrivée du Cordobès secoua un beau nuage de poussière.
    De nos jours, le public des arènes a vieilli et peine à se renouveler. À l'entrée des plazas, les jeunes ne sont pas légions et les cheveux grisonnants sont majorité. Entre quinquas, c'est bien connu, on a vite fait de jouer les vieux cons radoteurs, croyant regretter la valeur perdue d'une tauromachie passée alors qu'en fait nous pleurons après notre jeunesse.
    Par ailleurs, et c'est là le plus important, le profond, le coeur de mon aficion ne bat pas au rythme des spectacles que j'ai vus. Certains furent superbes et ont servi d'engrais et de gloires à ma passion. D'autres furent calamiteux et je les ai brulés comme feuilles mortes. Mais aucun n'a entamé l'élan premier et durable que je dois à quelques films que j'ai vu (Ah! "La corrida de taureaux" de Braumberger), à certains livres que j'ai lus et relus ("Arènes sanglantes", "Mort dans l'après-midi", "Aficion", "Los toros del Sol") à une dizaines de photos que j'ai contemplées et affichées (les véroniques de Paula, les chicuelinas de Camino, les trincheras de Teruel, les véroniques d'Ordoñez, la danse du scalp de Cordobès, un cite de Rincon, Manolete mortellement blessé...) et à quelques paroles fondatrices que je reçues.
    On aime la tauromachie, d'abord, parce qu'on la rêve. Et mon rêve, à ce jour, est toujours vivant. La corrida fait partie de ma vie à jamais. Elle est une part de moi. Selon les saisons, je vois plus ou moins de courses, question de disponibilité, de moyens, de contexte. Mais partout où je vais, les toros me suivent.
    J'aime beaucoup cette parole d'un sévillan amoureux: "Curro Romero, on ne l'aime pas pour ce qu'il fait mais pour ce qu'il pourrait faire". De même la corrida on l'aime pour ce qu'elle pourrait être.  C'est pour cette raison, très profonde, que l'on y retourne.
    J'ai eu la grande chance de vivre quelques après-midis, de simples instants parfois, qui, dans leur intensité exceptionnelle, ont rejoint mon rêve. Cette saison m'en a offert un de choix lorsque Morante a enchanté Bilbao.
    Défendre l'existence de la corrida, c'est préserver la qualité essentielle, personnelle et intime de la relation que nous lie à la vie. Autrement dit, l'aficion est plus grande que la corrida car elle s'enracine dans la vie. Autrement dit, les toros passent, l'aficion reste.


    •  Que faire pour se défendre et résister? 
      C'est évidemment la réponse la plus difficile.
      Les aficionados ne sont pas belliqueux; ils ont bien conscience du caractère intime de leur passion. Difficile d'étaler sur la place publique sa vie privée. Or, quoi de plus privé que l'aficion, de plus mystérieux et de plus personnel ? Quoi de plus fragile et de moins défendable? C'est sûrement aussi pour cette raison que nous sommes si mauvais dans les débats pour ou contre.
      Nous savons bien que la tauromachie est moralement indéfendable et que la défense de notre passion trouve sa source dans un état d'être à la vie, qui n'est pas du domaine de la morale mais d'une interrogation sur le mystère de la vie. Cela est tellement éloigné de l'argumentation morale des anti que le débat est impossible.
      Donc premier point: éviter les débats pour ou contre.
      Ensuite: exiger une réduction du prix des places. C'est d'une grande importance pour nous-même qui avons de plus en plus de mal à suivre et c'est essentiel pour retrouver la dimension populaire du spectacle taurin et pour rajeunir le public.
      Sinon boycotter! Aller à la plage, à la montagne ou rester dans son jardin .
      Nous ne tarderons pas à constater que nous serons écoutés.
      La balle est dans le camp des organisations d'aficionados. Créons des cercles taurins dont le seul programme est celui-là. 
      Proposition radicale, mais nous atteignons un tel degrés d'aberration, de cynisme et d'agression que nous n'avons plus le choix.
      Alors que je termine ce texte, j'écoute en direct la retransmission de la dernière vuelta de Serafin Marin à Barcelone avant la fermeture de l'arène et l'abolition des corridas de toros en Catalogne.
      Toutes les idées seront les bienvenues.
      Nous avons cinq mois devant nous pour nous faire entendre et écouter.



          22 septembre 2011

          Qu'est-ce qu'on peut faire? (1)

          Nous y sommes, La Monumental de Barcelona tire le rideau dimanche soir. Pour longtemps, semble-t-il. On craint le début d'une épidémie qui marque la fermeture en série de plusieurs plazas. San Sebastian est dans le collimateur, et d'autres aussi. Oui, il y a menace.
          Alors, qu'est-ce qu'on fait? 
          En plus de signer des pétitions et de protester plutôt mollement, il faut bien l'avouer...
          Et surtout, 
          Qu'est-ce qu'on peut faire? 
          Beaucoup de prophètes, de râleurs, de fatalistes, de taiseux, mais d'idées, peu, très peu.

          Nous ouvrons ici
          une boîte à idée des actions à mener.


          Nous publierons vos suggestions.
           L'initiative est dans notre camp.

          14 septembre 2011

          Indignés

          Nouveau texte bienvenu de l'ami Caperuza

                      Indigne la présentation des « toros ». Indigence obligée de leur lidia. Indignation (préméditée ?) d’une partie de l’aficion dacquoise, pourtant complice de nombreuses années. Irréprochable comportement de Morante, El Juli et Du Cid en piste, mais coupable leur influence excessive sur la fiesta brava qui aboutit à ce genre de naufrage.
                      Du « pas assez c’est pas assez » au « trop c’est trop »  il n’y a que la longueur d’un piton, or de longueur, seul le puro de Morante en témoignait ce dimanche de « toro en salsa » ou plutôt en daube.

                     
           Alain Chaperon     Caperuza

          6 septembre 2011

          Au pays de Bildu

          Un mien ami me fait passer ce texte 3D qui se lit, aussi, entre les lignes.

          Fin de 15 août sans faim

          L’arrivée à San Sebastian, en cet après-midi de Semana Grande, paraît trop aisée. Peu de voitures au parking Pio XI, quelques esseulés  nous accompagnent le long de la masse grise de Anoeta que surplombe sa petite sœur Illumbe. La taquilla  est quasi déserte à vingt minutes du paseo, les dégueuloirs laissent apercevoir une plaza bleue de sièges vacants.
          En contre-bas, sur le parking bitumé, les chevaux de Bonijol trainent et raclent leurs sabots sous le regard indifférent du mozo gardien, que seul le foulard bleu identifie comme partie de la fête. La caña nous est servie en un temps et à un prix record. Le sol du comptoir est à l’unisson des toilettes, luisant d’une humidité qui nous coupe la soif.
          La plaza n’a pas sa moitié garnie, le président et son assesseur ressemblent à des Robinsons, perdus dans leur palco flottant sur une mer azur de fauteuils vides. Le chef d’orchestre s’emploie du mieux qu’il peut, mais sans y croire vraiment. Nous jouons mal  aux aficionados festifs. Le puro reste tapi dans nos poches, pas envie.
          Quant aux spectateurs, ils vaquent à leurs occupations. Certains flirtent, d’autres discutent de La Real et de la reprise du championnat de football. Une dame se refait les ongles, une autre tente désespérément d’arrêter la grille de son bas. Un accroc regarde sa telenovela sur son téléphone. Je me surprends à regretter de ne pas avoir mis un short, à oser mes pieds sur le dossier du fauteuil devant moi, et à jeter la coque de mes cacahuètes par terre.

          Les toros de JP Domecq ne font pas concurrence à ceux d’une novillada seria.  Ils sont armés « commodes » comme écrit de plus en plus souvent et monotonement un revistero de notre sud-Ouest, qui fait semblant de croire qu’il peut nous échanger des vessies avec des lanternes. Ils sont « justes » de force, injustement banderillés et piqués, sans aucun égard ni respect.
          El Tato fait ce qu’il peut, c'est-à-dire très peu. Il nous ennuie, s’ennuie et c’est tout juste s’il ne s’endort pas avant nous. Il « pègue» ses passes sans aucune conviction, donnant l’impression d’essayer de se convaincre qu’il est  bien là.  Il  fait semblant, il y croit encore moins que nous.
          Morante est de passage, il doit savoir que le duende l’attend plus loin, dans une autre grisaille, à Vista Alegre. Il passe, repasse mais sans aucune passe notable. Ses toros paraissent irréels, fantomatiques.

          Mais pourtant… 

          Mais pourtant, certains couples se sont superbement habillés pour ce lundi marial, a las cinco de la tarde. 
          Mais pourtant le président « met » le premier mouchoir à l’heure et ne gaspille ni la musique, ni les trophées. 
          Mais pourtant, les placiers empêchent les goujats de resquiller, les retardataires de prendre place pendant le combat. 
          Mais pourtant, la cavalerie de Bonijol, légère et mobile, permet de mettre en valeur la bravoure du  « toro ». 
          Mais pourtant, la cape et la muleta d’ El Tato sont pliées impeccablement. 
          Mais pourtant, Morante s’engage lors de ses mises à mort. 
          Mais pourtant, Daniel Luque, a une petite faim, ses lidias sont pures, sincères, complètes, à l’unisson de ses adversaires, courtes sans conviction, mais construites, pleines, non tronquées. 
          Mais pourtant, nos voisins ont goûté, avec discrétion, à côté de nous, buvant leur Codorniou dans des coupes en verre et non dans le gobelet « plastico-écolo-suspendable » qui envahit nos fêtes locales. 
          Mais pourtant, j’ai enlevé mes pieds du dossier. 
          Mais pourtant, j’ai obéi à ma voisine et ramassé mes restes de cacahuètes.
          Mais pourtant, j’y retournerai sûrement, parce que, comme le dit mon copain gitan du marché du Petit Bayonne : «Avec Morante, c’est comme ça… ».

          Alain Chaperon    « Caperuza »

                          

          Étincelles tardives

           Bayonne, 4 septembre

          Évidemment, pour qui a vu triompher Morante à Bilbao il y a deux semaines, la corrida de clôture de Bayonne, n'aura été qu'un aimable lever de rideau.
          Et pourtant, je ne la jette pas aux orties, pour autant.
          Dans sa première moitié, elle a offert des moments de vrai bonheur. Fugaces: une larga de rêve de Juli, deux derechazos sublimes de Luque. Bien peu? Non, parce qu'ils étaient déjà en amorce dans ce qui les précédait, et qu'ils résonnaient dans ce qui les suivait. Il y eut donc deux plages, au moins, de grande tauromachie. Et puis, le détail est le sel de la corrida. Comme le faisait dire Samuel Beckett à l'un de ses personnages: "Pas de laisser aller dans les petits détails"...
          Manzanares a construit de la belle ouvrage, même si sa mauvaise humeur du jour (la piste endommagée par la pluie, sûrement) a miné son toreo, l'imprégnant d'un petit côté bagarreur peu propice à l'abandon.
          Les toros de Daniel Ruiz n'ont pas permis le feu d'artifice - qui couva, pourtant, une bonne partie la course - par faiblesse certains, manque de caste et de bravoure à peu prés tous.


          Alors que J.M.M. et J.L.J. quittaient la piste sur les épaules des porteurs habituels, la nuit tombait sur cette dernière course, dont la plus franche satisfaction fut, à n'en pas douter, le quasi plein qu'elle enregistra.
          Une consolation tardive pour une temporada bayonnaise en déficit de spectateurs et d'euros. À suivre...

          Testiculos habet et bene pendentes


           Bayonne, 4 septembre, 

          En sortant de cette novillada piquée, à la question "en avoir ou pas" - version Hemingway du dilemme shakespearien - on pouvait répondre, sans hésitation, que Monsieur Fernando Adrian en a. Voilà un combattant, un macho, qui rend coup pour coup, tête froide et punch sévère. Dans quelques saisons, de la chair fraîche pour Céret et Vic.
          À propos, qu'est-ce que ça pompe l'air cette cérémania! Céret, la Mecque du purisme, le hit de l'intransigence, la cathédrale de l'authentique! Voilà-t-y pas qu'on voudrait nous faire croire qu'il y a, d'un côté, la Vérité du Toro-Toro et son cortège de connaisseurs portant haut le Saint-Sacrement de la bible taurine (dreling-dreling-drelinc) de Ceret à Vic en passant par Parentis, et de l'autre, les bâtards, nourris au biberon Domecq, à genoux et bavant devant les circulaires inversées des figuras. C'est quoi cette vision rachitique de l'aficion! Ça ressemble à quoi ces manières qui scindent le monde entre "super-aficionado" et "sous-aficionado". Allez les mecs, on prend un doliprane, on s'allonge, et on retrouve un peu de bon sens.
          Pour en revenir à Fernando, sa combativité fait plaisir à voir. Énergie et savoir-faire, de l'artisanat pur jus, vaillant et obstiné, tel le serveur du bar à tapas du coin entre 13 et 14. Pas une minute à lui, concentré, l'oeil à droite et à gauche, le corps en alerte, le réflexe Lucky Luke et un coeur gros comme ça.
          Mathieu Guillon habite une autre planète. Finesse, légèreté et parfois inspiration comme cette demi-véronique enroulée comme une chicuelina. Guillon est intéressant à voir vivre dans l'arène car il a de la mythologie. Tout ce qu'il fait porte une histoire et du coup prend de l'épaisseur.Vous l'avez compris, j'aime. Mais, il faut reconnaître qu'il a toréé de trop loin, refroidissant son toreo et le public avec. L'engagement n'est pas qu'artistique, il est aussi physique, corporel, charnel. Et de ce côté-là, on était en manque.
          Pas de commentaire sur Thomas Cerqueira, resté invisible, inconnu, inaperçu.
          Les novillos? De tout un peu et surtout un manque de force qui créa une contradiction dans leur comportement en piste: l'envie de foncer et l'incapacité à le faire vraiment. De là une tête chercheuse, des rythmes irréguliers. Le dernier redoutable.


          Un spectacle matinal qui - sans être ennuyeux -ne fit jamais se lever le soleil.
          Et le superbe abat d'eau qui déferla à mi-course sera sûrement l'évènement le plus marquant que les spectateurs - demi arène - garderont en mémoire...

          4 septembre 2011

          Autant en emporte la pluie.

          Bayonne, 3 septembre

          Tout a commencé par la moitié d'une corne tombant sur le sable comme on perd un pantalon découvrant un slip merdeux. 
          D'où vient que les toros perdent leurs cornes? D'une fêlure regrettablement passée inaperçue lors de l'examen vétérinaire ou d'une manipulation mal camouflée?
          Tout a fini par la sortie de sept milles cocus (2/3 d'arène) soit quatorze milles cornes, plantées bien solides, celles-là.
          Des animaux jandillesques estoqués rien à dire, si ce n'est: rien. Fosse septique et compagnies. Ciao!
          Le Sébastien ne va pas bien du tout. Pas d'envie, se regardant (ne pas) toréer, prenant des temps sans fin, affadissant ce qu'il touche, banalisant sa présence. Sans mystère, sans écoute, fermé sur lui-même comme une coquille d'huitre, froid comme une porte de frigo, imbibé de suffisance comme un baba, imbu comme un nabab. Une petite saison, type congés sans solde, serait la bienvenue.
          Le Perera, à la fois décidé et comme d'habitude, c'est-à-dire hésitant entre tauromachie et art du cirque, faisant du touche-touche avec la corne comme d'autres mettent leur tête dans la gueule du lion, nous retiendrons l'entame de sa deuxième faena par statuaires enchaînées sans bouger d'un pouce.

          Pourtant cette soirée ratée et oubliable, d'ailleurs déjà oubliée, possède son triomphateur. Le trompettiste de la très bonne banda de l'arène nous gratifia d'un solo d'une légèreté, d'une finesse, d'une précision et d'une poésie, qui fit oublier un instant la fadeur des rampants dorés d'en bas. Le seul vrai moment d'inspiration qui aurait été ovationné par la plaza de Séville entière si nous n'étions à Bayonne. Qui a aussi ses charmes...

          3 septembre 2011

          Éclair.

          Samedi 3 septembre sous le coup de 13h.

           Il lui a fallu du courage pour se planter dans ce désert détrempé et attendre ruisselant et glacé devant le trou noir et béant des Apparitions.


          Comme elle était irréelle cette "puerta gayola" sur le sol bayonnais battu par la pluie, devant des spectateurs fantômes!
          Comme ils étaient loin les après-midi d'été ensoleillés, sentant bon les vivas et les vueltas fleuries!
          Il en restait de la pluie, de la boue, une cape qui prend l'eau et s'alourdit à chaque seconde, et l'espoir d'un trophée à gagner dans cette ville française, grise et froide, à trente kilomètres de la frontière et 9000 de Medellin.


          Mais, le défi. La force de défier. On est torero, non? Et un torero est défiant ou n'est pas. Peu importe les gradins dépeuplés, l'averse qui redouble, l'heure bien matinale pour laisser ses même pas vingt ans sur du sable mouillé. Je m'appelle Sebastian Ritter, je suis colombien, et je serai figura.


           Vingt minutes plus tard, le trophée de la finale des novilladas non piquées de la ville de Bayonne en poche, Sébastian, le nez coulant, trempé jusqu'aux bas, mais le pas décidé et conquérant, partait prendre sa douche. Torero.