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25 septembre 2011

Qu'est-ce qu'on peut faire? (2)

La grande difficulté à réagir qu'éprouvent les aficionados devant les menaces qui pèsent sur l'existence même de la tauromachie, peut se résumer, me semble-t-il,  en quelques interrogations.
  • Y-a-t-il vraiment péril en la demeure? Doit-on prendre la menace au sérieux? Bien sûr, Barcelone ferme, bien sûr les antis multiplient les attaques, bien sûr les organisateurs s'inquiètent des déficits, mais n'-y-a-il pas quelque paranoïa à croire la corrida réellement en danger de disparition?
Il n'y a aucun doute, la menace est claire et se traduit par des actes précis qui ne sont pas le fait, uniquement, de groupes associatifs anti-taurins, minoritaires et folkloriques. Force est de constater la prise de position d'hommes et de femmes en charge de responsabilités publiques - élus - qui ont déjà décidé d'abolir la corrida sur leur territoire (Catalogne) ou qui ont déclaré vouloir le faire (Saint-Sebastien). D'autres, de l'autre côté de l'Atlantique, y songent. Et, en France, les envies frissonnent, de ci de là, d'interdire l'entrée des arènes aux mineurs... 
Le président de l'Observatoire, André Viard, est un des mieux renseignés sur ce point et la consultation de son site "Terres taurines" est édifiante à ce propos. Cependant, nous vous conseillons de prendre vos distances avec certaines de ses analyses ou prises de position, imbibées, volontairement ou non c'est son affaire, d'une idéologie inquiétante. Mais les faits sont là, il les connait et les fait connaître.
  • Les anti-taurins représentent-ils un véritable danger?
Les militants anti corrida ne sont pas très nombreux. Mais leur zone d'influence est considérable. Nombre de personnalités abondent dans leur sens et apposent leur signatures au bas de leurs pétitions. Surtout en des temps où la protection de la planète et le sentiment écologique font recette et où le "penser correct" se répand comme une sauce unique et permanente, nappage incontournable de nos rapports soiciétaux.
D'autre part, l'idéologie de ce mouvement, qui place l'animal tout en haut de l'échelle des valeurs du vivant, peut séduire une certaine partie de la population qui a de plus en plus de mal à supporter et à aimer les humains. On retrouve cette haine apeurée de notre espèce dans les déclarations xénophobes de leur égérie Brigitte Bardot dont on connait, parce qu'elle l'a écrit, sa détestation du genre humain, jusque dans les envies de tortures, fantasmées par les tenants de la loi du talion "ils martyrisent les toros, martyrisons-les" (en gros les défenseurs de la peine de mort), en passant par la célèbre citation, largement répandue, "Plus je connais les hommes, plus j'aime mon chien" (à laquelle l'humoriste clairvoyant Pierre Desproges ajoutait "Plus je connais les femmes moins j'aime ma chienne").
Les temps sont aux santés morales chancelantes qui pour se refaire une beauté ont besoin de boucs émissaires. La tauromachie, qui possède peu d'arguments moraux, est une victime sans grande défense toute désignée.
Dans la mesure où ils focalisent sur leur lutte contre la corrida un état d'esprit qui flotte dans l'air du temps, oui, les anti-taurins sont dangereux. Pour la corrida. Et pour l'air du temps. Qu'ils contribuent à polluer par une idéologie qui ne dit pas toujours son nom mais qui fait son chemin.
  • La corrida, dans l'état de décadence où elle se trouve actuellement, mérite-t-elle d'être défendue?
    Vraie question. Le négoce taurin a créé un toro pour vedettes, faible, complaisant, sans saveur qui transforme de nombreux spectacles en démonstration de mode torera insupportable. Quand aux animaux estampillés "toros durs", ils font partie d'une sorte de réserve compensatoire qui ne parvient pas à rééquilibrer la balance et à relancer durablement l'intérêt. D'autant que les toreros qui les affrontent ne sont pas les vedettes mais des seconds plans contraints à ces combats incertains (ce n'est ni méprisable ni dévalorisant que de le constater). 
    Les toreros têtes d'affiches, en effet, mènent la danse et conditionnent (comme un emballage conditionné) la tauromachie d'aujourd'hui. Les fameuses "figuras" (une petite dizaine) imposent les toros qu'ils veulent, pèsent sur la composition des cartels, refusant telle ou telle confrontation. Autrement dit, "Risquer moins pour gagner plus" est leur devise.
    La multiplication des écoles taurines a une influence déterminante sur la qualité contestable du toreo pratiqué aujourd'hui. D'un côté, il est certain que les jeunes toreros d'aujourd'hui en savent davantage que leurs homologues des années 60, 70, par exemple, et qu'ils se débrouillent mieux devant le toro, généralement. Le niveau du savoir faire basique a progressé. Et pourtant, la grande majorité de ces nouveaux arrivants nous ennuie parce que tous se glissent ou tentent de se glisser dans un même moule. Que leur professeurs et entourage, j'imagine, leur vantent comme garant du succès. Le toreo stéréotypé pollue les arènes et beaucoup de faenas sont des livres déjà lus.
    Ajoutons à cela un prix des places exagérément élevé, les organisateurs subissant le dictat des vedettes, et l'on peut, très légitimement, envisager de mettre un frein à sa passion...
    Et cependant, ne pas défendre la corrida me semble aussi inconcevable que ne pas défendre sa vie.
    J'entends souvent, les amateurs déclarer: "La corrida est en déclin, nous allons vers sa disparition". Je ne crois pas à cette vision catastrophiste. Elle vit un moment difficile mais j'aurais tendance à penser qu'il s'agit d'une crise. De plus. Au cours d'un demi-siècle d'aficion, j'en ai connu plusieurs. Durant la décade des années 60, pour ne citer qu'un exemple particulièrement éloquent, les années des Camino, Viti, Puerta, Ordoñez, Giron, Ostos et autres gloires, la routine s'abattaient régulièrement sur les arènes et l'arrivée du Cordobès secoua un beau nuage de poussière.
    De nos jours, le public des arènes a vieilli et peine à se renouveler. À l'entrée des plazas, les jeunes ne sont pas légions et les cheveux grisonnants sont majorité. Entre quinquas, c'est bien connu, on a vite fait de jouer les vieux cons radoteurs, croyant regretter la valeur perdue d'une tauromachie passée alors qu'en fait nous pleurons après notre jeunesse.
    Par ailleurs, et c'est là le plus important, le profond, le coeur de mon aficion ne bat pas au rythme des spectacles que j'ai vus. Certains furent superbes et ont servi d'engrais et de gloires à ma passion. D'autres furent calamiteux et je les ai brulés comme feuilles mortes. Mais aucun n'a entamé l'élan premier et durable que je dois à quelques films que j'ai vu (Ah! "La corrida de taureaux" de Braumberger), à certains livres que j'ai lus et relus ("Arènes sanglantes", "Mort dans l'après-midi", "Aficion", "Los toros del Sol") à une dizaines de photos que j'ai contemplées et affichées (les véroniques de Paula, les chicuelinas de Camino, les trincheras de Teruel, les véroniques d'Ordoñez, la danse du scalp de Cordobès, un cite de Rincon, Manolete mortellement blessé...) et à quelques paroles fondatrices que je reçues.
    On aime la tauromachie, d'abord, parce qu'on la rêve. Et mon rêve, à ce jour, est toujours vivant. La corrida fait partie de ma vie à jamais. Elle est une part de moi. Selon les saisons, je vois plus ou moins de courses, question de disponibilité, de moyens, de contexte. Mais partout où je vais, les toros me suivent.
    J'aime beaucoup cette parole d'un sévillan amoureux: "Curro Romero, on ne l'aime pas pour ce qu'il fait mais pour ce qu'il pourrait faire". De même la corrida on l'aime pour ce qu'elle pourrait être.  C'est pour cette raison, très profonde, que l'on y retourne.
    J'ai eu la grande chance de vivre quelques après-midis, de simples instants parfois, qui, dans leur intensité exceptionnelle, ont rejoint mon rêve. Cette saison m'en a offert un de choix lorsque Morante a enchanté Bilbao.
    Défendre l'existence de la corrida, c'est préserver la qualité essentielle, personnelle et intime de la relation que nous lie à la vie. Autrement dit, l'aficion est plus grande que la corrida car elle s'enracine dans la vie. Autrement dit, les toros passent, l'aficion reste.


    •  Que faire pour se défendre et résister? 
      C'est évidemment la réponse la plus difficile.
      Les aficionados ne sont pas belliqueux; ils ont bien conscience du caractère intime de leur passion. Difficile d'étaler sur la place publique sa vie privée. Or, quoi de plus privé que l'aficion, de plus mystérieux et de plus personnel ? Quoi de plus fragile et de moins défendable? C'est sûrement aussi pour cette raison que nous sommes si mauvais dans les débats pour ou contre.
      Nous savons bien que la tauromachie est moralement indéfendable et que la défense de notre passion trouve sa source dans un état d'être à la vie, qui n'est pas du domaine de la morale mais d'une interrogation sur le mystère de la vie. Cela est tellement éloigné de l'argumentation morale des anti que le débat est impossible.
      Donc premier point: éviter les débats pour ou contre.
      Ensuite: exiger une réduction du prix des places. C'est d'une grande importance pour nous-même qui avons de plus en plus de mal à suivre et c'est essentiel pour retrouver la dimension populaire du spectacle taurin et pour rajeunir le public.
      Sinon boycotter! Aller à la plage, à la montagne ou rester dans son jardin .
      Nous ne tarderons pas à constater que nous serons écoutés.
      La balle est dans le camp des organisations d'aficionados. Créons des cercles taurins dont le seul programme est celui-là. 
      Proposition radicale, mais nous atteignons un tel degrés d'aberration, de cynisme et d'agression que nous n'avons plus le choix.
      Alors que je termine ce texte, j'écoute en direct la retransmission de la dernière vuelta de Serafin Marin à Barcelone avant la fermeture de l'arène et l'abolition des corridas de toros en Catalogne.
      Toutes les idées seront les bienvenues.
      Nous avons cinq mois devant nous pour nous faire entendre et écouter.



          5 commentaires:

          1. La peña Los Pechos a boycotté le plumaçon cette année : http://www.archiveslospechos.sitew.com/#A_la_une_.A

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          2. Une hirondelle ne fait pas le printemps.

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          3. http://bregaorthez.blogspot.com/2011/09/clameurs.html

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          4. superbe analyse,fort juste et qui te vaut de la "pub" sur La Brega enfin une incitation forte à te lire...
            le boycott acte de résistance certes, mais ça reste un peu court quand même pour défendre notre passion vis à vis de ceux qui ne nous aiment pas
            je repars vers quelques reflexions afin de ne pas rester sec sur la partie "solutions"

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          5. Magnifique texte PAPA GATO et si proche de mon propre sentiment ! Pour que la corrida perdure, il est primordial de passer le relai via les jeunes et donc de revoir le prix d'entrée. D'abord ça, pour commencer. Le boycott se fait naturellement du fait des tarifs, hélas, d'où l'importance de maintenir à flot, préserver, et mettre en valeur les petites places avec novilladas.

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