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17 octobre 2010

"Qui a eu cette idée folle..."

Depuis une vingtaine d'années, les écoles taurines fleurissent en Espagne, en France, au Portugal, en Amérique latine. Elles forment les nouvelles générations de toreros et il est bien difficile, aujourd'hui, de dénicher de jeunes aspirants matadors qui ne viennent pas d'une de ces écoles.
Ces établissements de formation initiale sont-ils un bien pour la tauromachie? 
Il est indéniable que ceux qui en sortent y ont appris les bases du toreo. Ils ont un répertoire plutôt large et des recours techniques qui leur permettent de faire face aux situations courantes. Si nous comparons avec la décade 70-80, le savoir faire de ces jeunes d'aujourd'hui est plus développé que ne l'était, en règle générale, celui de leurs aînés, lorsqu'ils débutaient. 
Pourtant ces jeunes pousses mieux préparées ne donnent pas forcément de meilleurs toreros.  
La route est longue, les coups de cornes sont durs, la concurrence est sévère, la chance n'est pas systématiquement au rendez-vous et on ne fait pas toujours les bonnes rencontres au bon moment... De tous temps, ces cirscontances ont lourdement pesé dans la balance des espoirs envolés et des carrières brisées. Il en est de même aujourd'hui, bien entendu, bien entendu...
Ce qui semble plus singulier de notre époque et de ce type de formation, c'est l'uniformisation de la façon de toréer de ces jeunes gens. Pour faire bref (et un peu réducteur), on peut dire qu'ils toréent mieux mais pareil.
D'où vient ce formatage?
Il m'a été proposé, il y a quelques années, de donner des cours à des aspirants comédiens professionnels à Barcelone. J'ai été très surpris, en arrivant, de constater qu'un même type d'interprétation revenait sans cesse dans leurs propositions: une voix très retenue, une gestuelle minimaliste, un ton quotidien... J'ai compris, en voyant le nombre considérable de chaînes de télévisions catalanes, que leurs professeurs leur enseignaient un mode de jeu "télévisuel", adapté aux offres du marché... On ne leurs transmettait pas l'art du théâtre, hérité d'une  longue histoire et de la pratique de grands maîtres, l'art de s'adresser à une communauté d'hommes et de femmes rassemblés, mais on les préparait à exercer un métier, en devenant de bons professionnels, interprètes de feuilletons et dramatiques télés.
En s'adaptant au lois du marché, les professeurs veulent rendre un service à leurs élèves en leur donnant les chances de vivre de leur métier. Après tout, ce n'est pas leur faute si, aujourd'hui, en Catalogne (et ailleurs!), la télévision offre davantage d'emploi que la scène.  Mais, du même coup, ils confortent un système qui appauvrit et dévoie l'art de l'acteur, en l'asservissant aux parts de marché et à l'audimat.
Pas plus que le théâtre, la tauromachie ne peut se réduire à un métier. Ce sont des arts et le soucis de la rentabilité ne fait pas bon ménage avec eux.
Bien entendu, j'imagine qu'il existe, en matière taurine également, de bons pédagogues qui cherchent à allumer la flamme sacrée, artistique, poétique, unique de leurs disciples. Mais on peut craindre, au vu des résultats, que les écoles taurines veuillent produire des toreros qui "marchent". On s'est aperçu depuis quelques saisons que la passe dite "circulaire inversée", par exemple, fonctionne bien sur le public: il est indispensable que les écoles accompagnent son apprentissage d'une sérieuse mise en garde de ne pas la resservir à tort et à travers, même si apoderados, cuadrillas et parfois même empresas, la réclament à grand renfort de geste depuis la barrière.
Les écoles taurines ne sont pas le diable et ne les accablons pas de tous les maux, mais elles reflètent un système et à ce titre demandent d'être très attentivement observées.
Ce sont de formidables outils d'évolution, si on veut bien  leur accorder l'indépendance et la liberté dont toute formation d'artistes a besoin.
Elles occupent une position stratégique de premier plan qui peut leur permettre de jouer dans les prochaines années un rôle clé:  ressourcer l'art du toreo. En formant des toreros singuliers, originaux, affichant leur dimension artistique irréductible. En remettant, en quelque sorte, le torero au centre de l'arène.
La tauromachie a la possibilité de se servir de ses propres armes pour se redynamiser et retrouver un sens qui lui échappe. 
Et, si los señores commerçants de la corne... d'abondance veulent bien y regarder de près, il est de l'intérêt du système lui-même de pratiquer ce retour aux sources.

2 commentaires:

  1. Álvaro Núñez Benjumea ganadero de Núñez del Cuvillo confirme sur mundotoro.com : "Personalmente pienso que sí, que hoy día se torea mejor que nunca, aunque lo que si echo en falta, a veces, es un mayor grado de personalidad e identidad propia en alguno de los toreros."

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  2. Pascal Fasolo ganadero de Malabat sur Torofiesta.com : "Le drame, c’est que la plupart sont formatés par le toreo de salon qui s’apparente à la gestuelle, mais la tauromachie, ce n’est pas que ça ! Ça ressemble quelque part à du clonage, ils toréent tous pareil ! Or le toreo, ça commence en s’adaptant aux conditions de l’adversaire, ce qui est bien différent du fait de réciter une leçon… Le malaise remonte à loin, il y a vingt-cinq ans, les novilladas n’existaient pas. C’était des becerradas, en traje corto, en toute simplicité, alors que maintenant, avec les écoles, ils doivent se mettre en costume de torero et se plier aux exigences du marché et aux a priori qui vont avec…En les faisant ainsi habiller de torero, ils sont en posture de professionnels, mais ils n’en ont pas encore l’envergure, et quand tu entends à côté : « Bien torero, biiieeennn !!! », c’est carrément ridicule ! Après, ils viennent te dire à la sortie : « Oh, ganadero, ils ont du gaz, ils ont du jus ! »… Mais pourquoi ils n’ont pas su les prendre ? Parce qu’ils ne sont pas à la hauteur !"

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