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27 décembre 2011

Conte de Noël

 Les temps étaient aux vaches maigres. Une crise économique, politique, sociale ébranlait le monde occidental au point d'annoncer la fin du capitalisme.
La couche d'ozone éventrée laissait filtrer les rayons d'un soleil mortel et le vieux monde finissait dans des soubresauts de dinosaures.
Durant cette époque agonique, les arènes se vidèrent; trop de marchands dans le temple, trop d'euros sous les monteras, trop de vide sur les gradins. Les organisateurs, alarmés, perdaient de l'argent, chaque saison un peu plus.
Ils imaginèrent alors de demander aux toreros vedettes de mettre un frein à leurs exigences financières, jugées "exorbitantes". Les stars pailletées consentirent un effort symbolique qui ne changea rien.
Mais certains d'entre eux en conclurent qu'il leur fallait veiller au grain. C'est ainsi qu'ils renoncèrent à la temporada latino-américaine et consacrèrent les mois d'hiver à des activités professionnelles plus lucratives. Ils se convertirent avec beaucoup de réussite en joueurs de football, mannequins de mode, présentateur télé ou rock star. L'été venu tous reprenaient le chemin des arènes et pouvaient, sans soucis, baisser de 1% leur cachets.
Les déficits continuèrent à se creuser et les arènes à se vider.
On se résolut alors à se passer des vedettes et à ne faire appel qu'aux toreros de second plan et aux élevages qui vont avec. De fait les économies furent spectaculaires et pendant un temps les plateaux des balances commerciales s'équilibrèrent. Mais, conscients d'être les ingrédients essentiels de cette manoeuvre économique, les toreros régulièrement engagés augmentèrent leurs prix.
On fit alors appel à des toreros encore plus modestes et à des élevages de fond de tiroir. Mais il devint alors impossible d'éponger les maigres dépenses car il n'y avait plus, dans les arènes, que les membres les plus inconditionnels des peñas et clubs taurins, soit quelques dizaines de spectateurs.
On annonca alors, à grand renfort de publicité, le retour à plus de 80 ans de Manuel Benitez "El Cordobès" pour donner l'alternative à son arrière-petit-fils âgé de 10 ans. L'affiche ne fit qu'un dixième d'entrées à Nîmes et sonna la retraite définitive de l'idole de Palma del Rio.
On se dirigeait inexorablement vers la disparition de la corrida. Dans l'indifférence générale. Même la SMA, Secte Mondiale des Antis, ne revendiquait plus l'abolition, persuadée que la fin de la tauromachie n'était plus qu'une affaire de mois. Ils préféraient mettre leur énergie dans l'extermination des bouchers-charcutiers.
Les arènes fermèrent. Le Bos Taurus disparut. Quant à la profession de torero plus personne n'en parla. Parfois, dans l'anonymat, quelques vieux aficionados se réunissaient pour projeter les vidéos des combats passés. Puis ils moururent.
Le néant taurin s'abattit sur le monde.


Certains crurent que la fin de la tauromachie marquait un progrès de l'humanité.
Ils se trompaient.
En effet, un siècle plus tard, un enfant eut l'idée de poser un morceau d'étoffe sur un bâton et de le faire poursuivre d'abord par son chien puis par un taurillon. Au même moment, à des milliers de kilomètres de là, un homme offrait la mort d'un taureau domestique à ses dieux. Et des jeunes filles s'aspergeaient du sang sacrificiel pour s'assurer fécondité et descendance.
Tout s'enchaîna très vite. A peine quelques décades plus tard, un dimanche matin on boucla la place d'une ville pour permettre, l'après-midi, à de jeunes gens de jouer avec un taureau sauvage qui fut par la suite chassé et mis à mort par des cavaliers.
 La tauromachie reprit droit de cité.

Les hommes et les taureaux n'en avaient pas fini avec leur relation combattante, sanglante, ludique et sacrée.

Une relation  primitive qui n'en finit pas
- au-delà du bien et du mal  -
de dire son mystère.


5 commentaires:

  1. OOOOOOOOOOOOOOOOOOLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEE !!!!!! Muy bien !!!

    quelles sont les arènes sur la photo ?

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  2. Elles me font penser aux "Arènes du Soleil d'Or" de Toulouse, en 1987, on organisa une fiesta campera dans l'herbe déjà haute.

    Bravo pour ce post optimiste et revivifiant. Mais......
    Feliz año nuevo, et RDV dans les placitas où il y a encore des toros

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  3. Et oui, la vie est faite de cycles..

    Ce très joli conte nous propose un des nombreux scénarios que l'on peut raisonnablement envisager.

    La grande inconnue... Sous quelle forme cette relation métaphysique au taureau réapparaitrait-elle?

    Corrida sur une place de village façon tableau à la Goya? Corrida officielle telle que nous la connaissons aujourd'hui?

    Quizz de la Corrida version an 3000??

    Cela fera peut-être l'objet d'un nouveau conte..

    Une autre petite histoire pour imaginer l'Histoire.

    Bises et à l'année prochaine.

    Don Diego de la Vega

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  4. J'ai une affiche des arènes de GERONA de 1976: plus de 2m,50 de haut! Elle faisait l'admiration des clients de mon bureau de poste qui la découvraient, dans la cage d'escalier, le seul mur où je pouvais la déployer, à St SULPICE SUR LÈZE, entre 85 et 89. La salle du public était ornée de gravures, photos, et affiches, de toros, de Vic, de face au toril....
    Le monde n'était pas encore tout à fait aseptisé.

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