BIENVENUE SUR LE BLOG DE PAPA GATO

3 juin 2012

La chute d'Icare.

In vivo ou à la télé, j'ai suivi pratiquement l'intégralité du cycle madrilène. 
Côté toros beaucoup n'ont pas servi. Mais quelques-uns, oui, sans équivoque, ni réserve. 
Ce sont les hommes qui manifestement ont fait défaut dans leurs limites à se dépasser. Si Castella est le triomphateur, sans puerta grande, c'est précisément grâce au risque qu'il a pris, au-delà des frontières du prévisible. Défi lancé au destin. 
Nous attendons d'un torero, encore davantage d'une figura, cette capacité à se dépasser et pas seulement à bien ou même très bien toréer. Madrid réclame ce "plus", ce "quitte ou double", ce pari avec la mort. Madrid a su garder lyrisme et cruauté.
Le virus de la corrida contemporaine se nomme "raison": vouloir résoudre l'énigme des toros avec sa tête, uniquement sa tête et sa raison et surtout pas sa folie, son intuition, sa foi en l'inconnu. Ne pas être déraisonnable, pratiquer le risque calculé.
Triste humanité qui ne saurait plus que rêver dans les limites du possible! Finis Icare ou Christophe Colomb; et finie la tauromachie.

Il est temps, grand temps, de réapprendre l'insécurité.




7 commentaires:

  1. Bonsoir Papa Gato,

    J'ai lu ton article avec attention et la question qui me vient naturellement à l'esprit est la suivante : les taureaux de la Feria madrilène sont-ils toujours à la hauteur de l'évènement et dignes de Madrid?

    J'ai bien compris qu'il y avait eu du déchet côté taureau mais également de bons partenaires de danse mal combattus, pour résumer.

    Mais je te pose cette question car n'ayant pas ou très peu suivi la feria madrilène d'une part, et sachant qu'il faut être 2 pour livrer un grand combat, je m'interroge ou plutôt je t'interroge sur le contenu exact des différentes après midi.

    Je pense que pour se dépasser et donner le meilleur de soi, il faut à un moment donné être mis face à une situation de difficulté proche du point de rupture.

    Certains toreros ont-ils être poussés, au cours de cette feria, dans leurs derniers retranchements, au point de n'avoir pour recours que de se battre avec des armes autres que la technique et la raison?

    Nous pouvons reprocher à un torero de ne pas avoir su révéler un taureau, de ne pas avoir su se révéler à lui-même mais je préfère 100 fois l'inverse, quand un taureau ne laisse pas le choix à un torero, et qu'il l'oblige à se révéler lui, dans le bon comme dans le mauvais.

    Mais peut-être que mon approche est trop torista, trop idéaliste et mon analyse incomplète?

    Quoiqu'il en soit, les toreros apprennent à faire beaucoup de choses face aux taureaux. Mais j'aimerais les voir plus souvent face à des adversaires, face à des "clients" où la connaissance et la réflexion sont des armes insuffisantes au combat.

    Le virus que tu nommes "Raison" est-il la cause ou la conséquence d'une tradition en déclin?


    Don Diego de la Vega

    RépondreSupprimer
  2. Je pense que la prise de risque est une attitude qui dépend essentiellement du torero. Les matadors, dans leur grande majorité, ont assez de technique pour exécuter d'un bajonazo un adversaire qu'ils ne veulent pas voir. Rares sont les toros, aujourd'hui comme hier, qui posent des difficultés insurmontables. Encore plus rares, aujourd'hui plus qu'hier, sont les toreros défiants.
    Je suis la feria de Madrid depuis plus de trente ans. Jamais les toros n'ont été aussi bien présentés. Beaucoup manquent de caste, c'est vrai. Plus qu'avant? Peut-être (je me méfie du "bon vieux temps"). Mais ceux qui sortent avec caste et bravoure trouvent rarement un torero qui joue (au sens fort) sa vie avec eux. Et pas de triomphe sans risque, sans inconnu. La crise que la tauromachie traverse est d'abord due aux limites raisonnables que les hommes se fixent. Si cette année aucun torero n'est sorti par la grande porte ce n'est pas uniquement que parce qu'il y a une crise des toros. Il faut remonter je crois à 1948 pour retrouver un tel cas de figure. Époque de peu de toreros et de beaucoup d'argent.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je n'aime pas, moi non plus, cet argument, ce recours systématique à la notion du "bon vieux temps". Comme le dit Henri Fonda dans un célèbre western "Il n'a jamais existé le bon vieux temps".

      Mais si l'évolution est une paramètre incontournable de l'existence et si le changement n'est pas forcément synonyme de « c'était mieux avant », il n'est pas non plus inexact de dire que certaines choses évoluent mieux que d'autres, selon les époques. Et ce sentiment de recherche de sécurité actuellement omniprésent dans l'arène est une des raisons qui m'ont éloigné de la tradition taurine. Cela me gonfle au plus haut point et s'oppose totalement à l'idée que je me fais de la tauromachie et de son essence première.

      Cela étant, je reste persuadé qu'un torero fait le choix de conserver une certaine marge de sécurité dans la mesure où les conditions les lui permettent. Je souhaiterais voir un contexte d'insécurité s'imposer plus souvent à lui par la présence d'animaux plus dangereux.

      Car tout cela nous amène vers deux dérives majeures : un spectacle souvent dénaturé, sans surprise, sans saveur, dans lequel la plupart des toreros essaient de toréer correctement, de satisfaire leur public, de gérer leur faena comme il gère leur carrière. On est dans une tauromachie de gestion, contraire au caractère authentique de cette dernière qui se veut avant tout rebelle, passionnée et intemporelle.

      Et un deuxième paradoxe sur lequel on pourrait mettre un visage, celui de José Tomas. Torero d'exception certes, mais vers lequel des vagues entières de spectateurs se ruent pour assister à un spectacle dont l'insécurité poussée à son paroxysme en est le moteur. Preuve que la demande et l'authentique se situent encore bien là. Le paradoxe est qu'il y a un tel fossé entre son attitude et celle des autres qu'il en est devenu un animal de foire et un planche à billets, peut-être malgré lui d'ailleurs.

      Enfin... je parle, je parle... mais souhaitons que la roue tourne prochainement.

      Don Diego de la Vega

      Supprimer
    2. Plutôt d'accord. Bien d'accord pour regretter la trop fréquente"complaisance" des animaux aujourd'hui combattus. Mais la réserve vient de la constation qu'on ne voit guère mieux côté toreros lorsque les toros sont dangereux... Un peu plus de défensive le plus souvent. À moins qu'ils ne se piquent au jeu. Bien rare...

      Supprimer
  3. il fut un temps ou Madrid était incontournable pour batir une saison
    aujourd'hui les plus grandes ferias espagnoles et françaises sont bouclées avant le résultat des deux grandes ferias que sont Seville et Madrid, ceci peut expliquer cela
    Juli pour des questions d'argent n'a pas voulu , Ponce ne veut et ne peut plus, Tomas n'a pas envie de remettre sa vie en jeu...quant aux seconds couteaux certains essaient raisonnablement (Fandino)d'autres même pas (El Cid) et beaucoup sont bien trop limités et comme ils ne veulent pas laisser leurs tripes sur la sable ça donne ce spectacle affadi par un bétail de piètre qualité
    plus grand monde n'a envie d'aller chercher le triomphe
    seul Castella a offert cette folie et au prix du sang a été le "triomphateur" de la San Isidro

    RépondreSupprimer
  4. Je pense que trop de toreros cherchent ce que cherche nos sociétés: la sécurité. La corrida ne changera pas toute seule...

    RépondreSupprimer
  5. si la tauromachie devient raisonnable effectivement le ver est dans le fruit..et la corrida au fond plus une grande raison d'être!
    un thème à développer...

    RépondreSupprimer