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1 août 2013

Orthéziennes (2)

Il fallait bien de l'aveuglement, ou de la blasitude, où rester ébloui par le souvenir des sorties tonitruantes du même élevage à Parentis, ou tout à la fois, pour ne pas apercevoir des marques de caste sous les défauts de ces toros de Raso de Portillo: souvent bouche cousue et répondant aux sollicitations, d'une certaine mobilité malgré tout et parfois braves avec notamment un beau tercio de piques qui valut à Manuel Bernal de remporter le trophée Roger Dumont. Fermez le ban.



Côté défauts, le frein à main les retenait à moitié charge, on vit une querencia accusée du second - parfaitement nourrie, voire déclenchée, par la désastreuse brega de la cuadrilla aux banderilles - et une tendance des exemplaires les moins belliqueux à s'endormir sous l'effet soporifique des muletazos des trois nounours de l'après-midi. Car le problème vint d'abord de l'attitude des bipèdes. Pas d'envie, pas d'allant, pour certains pas assez de savoir-faire et beaucoup d'inhibition à la perspective d'affronter une corrida "dure"; on se serait cru à Madrid pour le solo victorinien de Talavante. Cache ta joie!
F. Robleño cède aux vieux démons qui fondent ses limites. De la technique et du coeur à revendre mais une petite ambition, peut-être un manque de confiance en sa réussite, l'empêchent de donner le coup de rein qui lui ferait franchir pour de bon la frontière des toreros vraiment reconnus, voire des figuras. De ce point de vue, il est l'anti-Fandiño. On le vit, hachant ses faenas, précipitant les muletazos, ne cherchant jamais à pousser le contre-ut... On peut être en-dessous d'un toro mais il est plus dangereux d'être en-dessous de soi-même (sans allusion crasseuse à sa petite taille). Tel Robleño qui, lorsqu'il se hisse à la hauteur du puissant torero qu'il porte en lui (à Ceret il y a deux ans) ne parvient pas à s'y maintenir. 
Morenito de Aranda m'a profondément déçu. Moins dans son incapacité hormonale à affronter le très dangereux cinquième, que dans sa posture, sa façon d'être, tout au long de la course, aussi fade, aussi terne que son costume. Rien à faire là, ce jour-là, devant ces toros, sur ce sable orthézien, sous ce soleil béarnais. 
Il est toujours étonnant de constater qu'un style joliment artiste qui embellit une faena donnée à un toro se prêtant au jeu devient grotesque, ridicule et outrancier lorsqu'il est obstinément infligé à un adversaire qui y résiste. C'est bien pour cela que les toreros artistes abrègent le combat face à des opposants récalcitrants. Oliva Soto tomba dans le panneau de vouloir envers et contre tout servir son gazpacho. Sans capacité d'adaptation, sa légèreté de lidiador, son inconsistance firent tomber l'intérêt en flèche et le torero dans les oubliettes de cet après-midi. 
Il fallut deux paires de banderilles posées par Luis Carlos Aranda pour nous rappeler qu'en tauromachie, si le toro est la donnée de base essentielle, tout, absolument tout, dépend de l'engagement des hommes. Cet tarde-là, il fit cruellement défaut.
Dire que la corrida fut remarquable, non, bien sûr. Mais elle m'intéressa par le comportement plein d'enseignement de ces toros de Raso de Portillo, élevage que je serai heureux de revoir à l'occasion.
À Orthez,  tout l'effort est mis sur le toro. Mais, en fin de compte c'est là que le bât blesse. Côté hommes, novilleros ou matadors de toros, les cartels sont faibles et c'est ce qui risque de compromettre la généreuse démarche des enfants de Fébus. Qu'on le veuille ou non la rencontre taurine se fait à deux, toro et torero. À sacrifier l'un pour l'autre, on la condamne. 
Les  efforts de l'organisation orthézienne pour lutter contre le courant de la facilité et du mercado sont louables. Mais comment résoudre la difficile équation qui consiste à équilibrer les plateaux toro-torero de la balance? Il faudra bien que les organisateurs trouvent une solution. Sinon... la pente est raide et on la descend plus vite qu'on ne la monte. 




5 commentaires:

  1. Excellent commentaire. A 80% d'accord.
    Quant au dernier paragraphe, c'est la quadrature du cercle entre la limitation des moyens d'une petite plaza et l'absence de motivation des toreros.

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  2. Rien à dire, excellente analyse pour l'équilibre toro/torero qui nous empêche ces dernières années de voir des spectacles plus enthousiasmants.

    Mais hélas à la vue des contraintes financières et des exigences de certains messieurs, je doute...

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  3. Je ne partage pas votre analyse sur Robleño. En 2012 il a été à la hauteur tout au long de la saison; il s'est même surpassé à Mont-de-Marsan. J'ai une hypothèse le concernant depuis le début de cette saison: n'est-il pas désabusé de voir que tout ce qu'il a fait l'an passé l'a été pour rien en termes de contrats? Vous me rétorquerez alors qu'il abdique bien vite, soit...Sur la course d'Orthez, selon moi son 1° toro n'avait absolument rien dans le ventre, et devant son 2° il nous a offert les meilleurs moments de l'après-midi sauf...avec l'épée; et là c'est inquiétant car entre Céret et Orthez, sur 6 toros il met 3 bajonazos.
    Pour le reste j'ai trouvé ces toros très intéressants sauf le 1° et j'ai hâte de les revoir en corrida.
    Beñat

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  4. Pour voir Robleño depuis ses débuts madrilènes, je remarque chez lui les mêmes qualités - qui se sont développées avec le temps - et la même difficulté à s'imposer malgré de grands succès, à Las Ventas notamment (deux Puerta Grande, je crois et plusieurs trophées). Il devrait faire partie de la poignée des toreros très reconnus, voire des figuras. Or ce n'est pas le cas. Pourquoi à 33 ans, après 13 ans d'alternative, reste-t-il encore en retrait de la reconnaissance qu'il serait en droit d'attendre et que, de fait, il réclame? En 2010, il confie à Pierre Vidal son amertume face à un mundillo qui n'aide que les vedettes et le laisse à la marge malgré ses succès, y compris madrilènes. Mais pourquoi? Mal apodéré? En France il a du cartel, toutes les grandes ferias le programment trop contente d'avoir à se mettre sous le dent un si bon professionnel pour les corridas difficiles. En Espagne, beaucoup moins.
    J'ai regardé sur son propre site le tableau récapitulatif de sa carrière par statistiques des corridas combattues selon les années. Les chiffres parlent d'eux-mêmes:49 engagements en 2002, 50 en 2003 et ensuite cela décroit régulièrement jusqu'à la présente temporada avec 15 corridas. En effet le succès de Ceret et l'oreille madrilène de 2010 n'ont rien amené. Mais il y a 7 ans de perte de vitesse à rattraper. Si, comme vous l'avancez sûrement avec raison, il est désabusé, on peut en effet penser que sa démoralisation arrive bien trop vite pour redresser une carrière qui s'enfonce depuis plusieurs années. Et c'est bien cela que j'ai voulu écrire: son manque de détermination sur le long et même moyen terme.
    Merci, en tous cas, pour votre commentaire qui m'a permis de creuser un peu cette affaire.

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  5. @Xavier Klein :
    C'est marrant tous ces anonymes!!!
    Et bien plus pratique que d'assumer ses paroles ou ses idées.

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