BIENVENUE SUR LE BLOG DE PAPA GATO

13 février 2011

Messie, mais non...

Il a repris l'entraînement,
il revient dans deux mois,
il boîte bas,
inutile de compter sur lui cette saison,
il va choisir les élevages pour son retour,
il ne peut rien prévoir,
les médecins sont réservés,
son entourage s'étonne de la rapidité de sa récupération,
il veut revenir à Madrid,
à Mexico,
à Barcelone,
à Aguascalientes,
ses récentes opérations sont des succès,
certains nerfs sont irrémédiablement touchés...
bla bla bla bla bla bla... 
On se croirait quinze ans plus tôt dans les couloirs de l'Élysée. Tout et son contraire. Un vrai serpent de mer. 
Comme tout cela est tordu, biscornu, entourloupé! Nous surfons sur un océan de manipulation et de désinformation! En tous cas, ça sent la marée noire... 
Au centre de ce bourbier, un homme, un torero, auquel on souhaite de garder une lucidité bien trempée s'il espère encore savoir qui il est et ce dont il a envie.
J.T., à nouveau, est attendu comme le messie. Ressuscité, cette fois. On n'en sort pas et on peut craindre que, un jour, il n'y laisse vraiment la vie.
Comme si son retour pouvait, à lui seul, oxygéner une tauromachie asmatiforme. Illusion puérile savamment entretenue.
Et les usuriers font monter la pression et les enchères en un commerce écoeurant, fondé sur la valeur marchande du sang versé et sur l'exploitation médiatique d'un culte idolâtre, qui finit par épuiser le désir.
Aussi, il ne sera plus question dans ces colonnes du retour de Jose Tomas
avant que le torero lui-même ne le confirme ou ne l'infirme.
Rideau .

12 février 2011

Le temps des souvenirs (5): Rêve et réalité.

Le jeune homme colombien que l'on transporte, à grandes enjambées, vers l'infirmerie, passe à moins d'un mètre de moi, dans le callejon. Son visage tuméfié est livide, ses yeux sont révulsés. Sur son coutume vert émeraude grossit, de seconde en seconde, une tâche de sang à hauteur de l'aisselle. Il a 21 ans. 
Quelques minutes plus tôt, il avait traversé l'arène d'un pas tranquille pour venir s'agenouiller devant la porte du toril et attendre l'entrée de son adversaire. Les spectateurs avaient vite compris; une rumeur grandissante l'avait accompagné jusqu'à devenir clameur lors de son agenouillement. 
A la sonnerie des clarines, un silence tendu était tombé sur l'arène. Lorsque la porte s'ouvrit, on put entendre le bruit sec du battant contre les planches de la talenquère. 
Ensuite tout se précipita. 
Le toro apparut, lancé à pleins gaz, comme un train en rase campagne. Le torero, surpris par la vitesse, tenta une esquive, la corne l'accrocha sous le bras droit et l'emporta, comme happé. Le novillo ne freina même pas sa course et l'on vit le corps traîné, face contre terre, sur une trentaine de mètres. À la manière de celui de Messala, prisonnier des rênes de son attelage durant la fameuse course de char l'opposant à Ben-Hur, dans le film mythique que nous avions découvert à peine quelques années plus tôt. Lorsque le novillo voulut bien lâcher prise, on emporta le corps désarticulé et ensanglanté du malheureux vers une table d'opération que l'on imaginait impuissante à sauver une vie si maltraitée.
Je n'avais jamais assisté à une puerta gayola et c'était la première cornada que je voyais. J'avais quinze ans.
Dans sa violence et son dramatisme, cet instant conserve pour moi, encore aujourd'hui, un caractère d'irréalité. Comme s'il s'agissait d'une fiction. Parfois, aux arènes, la fulgurance est telle que l'on croit rêver. La corrida se joue entre réalité et imaginaire. Et il est parfois bien difficile de faire la part de ce que l'on a vu et de ce que l'on a fantasmé. 
Restent les noms et les dates.
Il s'appelait Hernan Alonso et s'en tira avec quelques points de suture. Nous étions le 14 juillet 1968, aux arènes de Bayonne. Il prit l'alternative au mois d'octobre de la même année. Quinze ans plus tard, il fut arrêté et emprisonné pour trafic de cocaïne.

9 février 2011

Trop de jouissance rend triste...

Un ami me fait passer ce compte-rendu à plusieurs mois de distance.. Malgré le jargon attaché à ce genre d'exercice et aux racines hispaniques de l'auteur, nous le publions avec conviction tant il trace à contre-courant... À vos clameurs!


(à la manière de Spinoza)

Tout avait bien commencé à l’apartado. La richesse des toros de Victoriano del Rio luisait comme leur robe. On aurait du se méfier. Pourquoi vouloir, à grands jets, décrotter et faire briller les sabots de  ces reses sauvages ? Ces toros paraissaient sortir d’un musée plus que du campo. Voulait-on les rendre aussi scintillants que les trajes des toreros ? Comme s'il fallait que la guerre soit jolie, que ce combat paraisse plus humain, moins dérangeant, plus esthétique.
Le lot est homogène : un trapio des plus correct, une cornamenta large, harmonieuse que les puristes trouveront, à juste titre, un peu resserrée et playera.
Le callejon est aussi gavé que les gradins. Seule la minute de silence calme, en partie, les piailleurs.
La tarde commence au deuxième exemplaire. El Juli est maître à la cape. Rien ne lui échappe, ni l’animal, ni les grognements d’aise de la basse cour. Le travail de muleta est à l’unisson. Se croiser n’a pas de sens, tant le toro est noble, suave, allègre. L’homme domine; les trois temps de la suerte sont là, liés, suaves, évidents, tant l’impression de facilité et d’aisance est grande. 
Le public adore, le maestro adore cette adoration. La basse cour l’est au sens propre; elle courtise le torero, le laissant saccager, déshonorer le toro lors du tercio de varas, qui se résume à un affreux picotazo refilonado. Courtiser est risqué car le flatté en oublie l’essence de la fiesta, les  "fondamentaux," dira-t-on, dans cette cité rugbystique. Il oublie l’animal tant il est brave, comme on le dit avec condescendance d’un être "gentil". 
La suerte suprême ne justifie aucun croisement de la part du torero, il suffit de se jeter dans les cornes, ce que fait El Juli
La présidence préside et accorde d’emblée les trois trophées ; elle en a parfaitement le droit sans en référer au public. Elle aussi oublie, comme quasiment tous les protagonistes, que l’on n’octroie pas un tour de piste à un toro  sans bravoure. On a empêché l’animal de la montrer. Il avait même plutôt mal commencé, faisant le tour de l’équipage, démontrant ainsi une tendance à préférer les planches, ce qui est plutôt signe de mansedumbre
La tristesse pointe quand passe devant nous la dépouille du toro, dont le sang ne s’écoule que de cet honteux refilon, témoin implacable de ces piques montées à l’envers, faisant ainsi fonction d’ouvre boites et non de puyazo.
Le troisième de la tarde, premier du Cid, monopiqué, échappera au tour de piste réclamé par ceux qui font une cour basse au maestro, mais il y laissera aussi ses deux oreilles. 
Public sans limite, fusionnel, pardonnable car il ne sait pas ce qu’il fait; mais la présidence est impardonnable, car elle est sensée détenir le "supposé" savoir.
Le quatrième sera changé, à tort, toujours sous la pression d’un public tout-puissant. Le  toro entre en piste limpio et se brise la corne, ce qui ne justifie pas le changement. On le déshonore en lui interdisant de se mettre en valeur dans la lidia, le déclassant de fait en manso boucher. Cada toro tiene su lidia, pardon pour ces répétitifs rappels aux  fondamentaux.
Place au quatrième bis. Le tercio de piques est une remarquable "mise en valeur" de l’évolution tauromachique actuelle qui oublie le toro de lidia; ainsi entend-on applaudir un toro qui pousse sur le cheval de réserve, au toril, signe atypique de bravoure… 
Morante, dans ce monde sans repère, fait preuve d’un classicisme gitan étonnant; il  offre à l’animal et au public, confondus, une tauromachie des moins confuses, limpide, quieta, privilégiant le sitio, se replaçant  calmement face à l’animal avant chaque naturelle, donnée muleta planchada, le bâton tenu au centre, le corps entier dans le terrain de la bête respectée.
Ce respect témoigne de l’humain que peut offrir le torero à l’animal combattu, signe d’un respect qui paraît le seul rempart face aux anti-corridas qui se sont engouffrés dans l’irrespectueuse nonchalance de l’évolution des règles taurines. Il ne semble pas défendable de vouloir humaniser la corrida en n’assumant pas le sang qui coule lors de la pique, en étourdissant animal et public de passes liées, sans influence sur la charge du taureau, le tout aboutissant à une mise à mort où la muleta aveugle l’animal plus qu’elle ne le conduit.
Morante n’a cure de tout cela. Il donne une série  de naturelles et la mort en toda ley, citant son taureau, déviant sa charge et basculant dans le berceau d’une tauromachie qu’il sait disparue. 
Il promène les  deux oreilles qui lui sont attribuées en deux temps, témoignage, là aussi, d’une présidence qui ne préside plus, obéissant au public au-delà du premier trophée. Une présidence soit-disant garante, par postulat, du respect des règles, mais qui ne  garantit plus rien, "insécurisant" le torero et certains aficionados. 
Morante promène ses récompenses, le regard absent, comme flottant dans un monde où il paraît plus rêve que réalité.
Le cinquième est reçu et accompagné par El Juli à la cape d’une manière superbe. Cet homme donne l’impression d’une connaissance innée des taureaux. Il combat tout type d’animal avec une aisance inouïe, laissant le regret de ne pas le voir avec tous les types de taureaux…    
L’ingarante présidence trouve le moyen d’aller encore plus loin dans l'insécure, arrêtant le tercio avant que le piquero ne termine sa pique, empêchant ainsi de juger de la bravoure de l’animal, le niant un peu plus. 
La mise à mort est la conséquence de cette tauromachie du lié-enchainé; l’animal ne suit pas la muleta et la mort survient par hasard, pas en face, les yeux voilés du chiffon rouge  jeté  plus qu’offert. Une mort volée.
Pourquoi décrire le sixième ? Tout est inscrit, programmé, attendu, entendu, imposé… El Cid s’y conforme et cumple.
On dit que le ganadero de cette tarde s’est fait prendre sur l’autoroute, roulant à tombeaux ouverts vers sa finca, dans le coffre sa précieuse cassette, une glacière contenant les attributs et la semence du second exemplaire. Exemplaire, si l’on peut dire, d’un animal sur mesure, "prêt-à-porter" d’une tauromachie consensuelle. 
Une tauromachie des "bons": "bons" taureaux permettant la mise en valeur de "bons" toreros, parfois ingrats, les sacrifiant à la fausse jouissance d’un "bon" public, plus ignorant que pervers.
Tapie derrière cela, une tauromachie des méchants ou plutôt des pervers, los que saben de los toros (ceux qui connaissent les taureaux), véritables fossoyeurs d’une tradition qu’ils font mine de défendre mais qu’ils enterrent, au nom du profit, pardon, de l’économie de marché.
Tauromachie sans fondement, sans règles, sans sang, sans sens, sans violence, quasi invisible, qui disparaît peu à peu sans émouvoir quiconque, sauf quelques crocodiles plus ou moins pleurnicheurs.
A l’année prochaine, pour la même, avec les mêmes, à la même heure..

Caperuza

L'éclat de vivre

Andrée Chédid est morte.
Aujourd'hui tristesse et souvenirs heureux se mêlent.
J'ai eu le privilège de la rencontrer il y a quelques années 
et de faire, en sa présence, un peu du voyage.
La grande dame était à la hauteur de son oeuvre.
J'ai intensément aimé
son sens aigu de la résistance au tragique de l'existence.
Elle n'ignorait rien des issues fatales et des départs sans retour, 
mais elle savait voir et faire briller les clartés de vie 
qui éclairent parfois le chemin.
Elle avait l'art d'écrire la lumière et de porter l'éclat de vivre.
Sans elle, l'horizon s'assombrit.
Restent ses romans, ses nouvelles, ses poèmes. 
L'essentiel, bien sûr. 
Nous n'avons pas fini d'y puiser nos renaissances à venir.

4 février 2011

Bouge pas, j'arrive!

Pas de panique, nous n'abandonnons pas le site, mais les voyages, s'ils forment la jeunesse, n'aident pas à la rédaction de chroniques régulières.
Qu'on se le dise, le désir de clamer reste intact.
Dans quelques jours:
"Les clameurs: Le retour!".