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5 août 2012

Désapprendre

Plus j'avance en aficion et plus je suis convaincu que nous n'entendons pas grand-chose à ce qui se passe entre toro et torero. Nous analysons, mettons des mots sur des actes, coupons les muletas en quatre et les piques en 16, conseillons et protestons, au point que, dans certaines arènes, on a l'impression qu'il y a plusieurs centaines de bonshommes assis sur les gradins qui savent et un pauvre mec au milieu, en bas, qui se trompe... 
Les consciencieux compte-rendus qui égrennent les fait et les analysent à la lumière de leur Popelin illustré, m'ennuient. Je préfère, et de loin, ceux d'un Zocato inspiré qui essaie de traduire son émotion par des métaphores, des images et qui finalement raconte peu mais imagine, invente, crée, en somme écrit, à partir de ce qu'il a vu. 
Pour plagier Rabelais et ses mots sur l'éducation on pourrait déclarer qu'un aficionado n'est pas un vase à remplir mais un feu à allumer.


Jeune aficionado,  je confectionnais des fiches sur les comportements du toro, les robes, les armures, les encastes, les différentes estocades, les fondamentaux de la brega, des piques, etc, etc, etc ...
Peu à peu, j'ai senti que cette somme d'informations, de connaissances - utiles à comprendre le niveau premier du combat - interposaient l'écran de leur rationalité entre le spectacle et mon regard.
Aussi, aujourd'hui, je m'efforce de "désapprendre" pour me laisser poreux, perméable à une réalité plus profonde, plus souterraine de la relation mystérieuse entre toro et torero. L'intuition, l'imagination, le regard porté sur de petits détails qui en disent beaucoup... Tout un ressentir, que l'on ne trouve pas dans les encyclopédies taurines... Car, depuis le temps qu'elle accompagne ma vie, je sens bien que la corrida me concerne personnellement. Qu'elle intéresse ma propre personne. Ce qui se joue dans une arène fait partie de moi. Ni passe-temps, ni loisir, ni même passion, la corrida est une intimité, organique, chevillée au corps. 
Restons humble. Ce qui se passe vraiment entre eux, seuls le torero et le toro le connaissent. Pour avoir fréquenté quelques matadors, aucun ne peut expliquer ce qu'il ressent à ce moment-là. Beaucoup de pudeur aussi entoure ces instants d'intimité. Pour savoir, il faut en faire l'expérience physique et occuper l'endroit de l'arène le plus exigeant, la piste.
Assis sur nos gradins, cela pourtant nous regarde. À nous d'y trouver notre place.

3 commentaires:

  1. ça y est, vous êtes ''mûr'' pour m'écrire votre contribution à l'irritante question "Pourquoi allez-vous voir la corrida ?" qui devrait bien finir un jour par faire un livre. Peut-être même que c'est ce texte-là...

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    1. Merci de votre commentaire. C'est avec plaisir que j'essaierai de répondre à votre question. Où vous envoyer le texte?

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  2. Tu prêches un convaincu..

    Seuls, ceux qui ont fait la guerre, savent ce qui s'y passe.

    La rencontre avec la peur, l'irrationnel, avec son propre destin, le sentiment de ne pas maitriser grand chose, par moment, mais de sortir quand même vivant et sur pied d'une faena.. ce qui se joue dans le cercle ne peut qu'enseigner humilité et recul sur sa condition propre... je suppose.

    Des sentiments forcément très intimes..

    D'ailleurs, les personnes qui ont vécu des situations terribles et troublantes parlent rarement.

    Respectueusement,

    Don Diego de la Vega

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